Tibet, Mont Kailash
Cet endroit, le plus bel endroit du monde… Dire qu'à présent je me devais de le quitter pour aller en ce lieu étrange qui m'avait été inspiré : le Sanctuaire.
Il fallait que je m'incline une dernière fois devant la montagne la plus sacrée du monde avant de partir. La Grèce : je ne savais rien de cet étrange pays, rien de plus que ce qu'il m'en a été dit lors de mon enfance. Mon enfance…
Cela faisait maintenant près de 8 ans que j'étais seule maîtresse de ma destinée, moi, Jade, dernière survivante d'un peuple disparu. Je levais mes yeux vers cette imposante masse qui s'érigeait vers le ciel : le Mont Kailash, ce nom signifiant “brillant comme du Cristal”. Je ne devais plus être aussi resplendissante quant à moi, celle qui porte le nom d'une pierre précieuse, alors que tout ce que j'avais avait disparu, il y a de cela tant d'années déjà.
Voilà trois jours à présent que j'avais gravi cette montagne, effectuant la célèbre circumambulation, tours que les bouddhistes effectuent autour du mont sacré dans le but de se voir purifier. On raconte que quiconque effectue 108 fois le tour du Kang Rimpoche, “le Précieux Joyau des Neiges Glacées”, se voit atteindre le nirvana et ainsi brise le cycle des réincarnations. Sûrement inspiré par cette légende, moi, qui me glorifiais pourtant de ne plus croire en rien, avais décidé d'atteindre le sommet du Mont Kailash, en vue d'acquérir peut-être l'ultime vérité, en vue d'étreindre ce rêve qui me rappelait depuis ma plus tendre enfance qu'une partie de moi avait été perdue.
Arrivé au sommet je décidai de me reposer, m'asseyant sur une roche, plongée dans de vieux souvenirs. Me laissant tomber en arrière, le ciel s'offrait à moi dans un éclat sombre comme jamais. Un éclair me fit me relever, réflexe guerrier acquis au fil du temps. La couleur des cieux semblait annoncer de bien mauvais présages : la toile céleste d'un pourpre inquiétant donnait à la neige qui m'entourait de curieuses teintes. Soudain, une pluie intense vint me frapper. Décidément, la Terre ne semblait plus être en harmonie avec les éléments depuis quelques temps déjà. Le paysage s'offrant à moi était des plus majestueux, nonobstant le climat de plus en plus menaçant
Malgré tout, malgré la pluie, je décidais de rester là : après tout, personne ne m'avait jamais attendu nul part.
Sur ce, une larme glissa le long de sa joue. Les paupières closes, les bras le long du corps, une aura verte se matérialisa tout autour d'elle. Jade semblait avoir atteint une sorte d'état cataleptique.
Le Mont Kailash, berceau des plus grands fleuves d'Asie, montagne sacrée, joyau des neiges. Telle une pyramide des glaces il se dresse, de par ses quatre côtés, représentant l'uniformité de la Terre :
Le Nord représente l'Or, en son sein prend racine l'Indus
L'Est représente le Cristal, en son sein prend racine le Brahmapoutre
Le Sud représente le Saphir, en son sein prend racine la Karnali
L'Ouest représente le Rubis, en son sein prend racine la Sutlej
A présent en son sommet, au centre, est représenté le Jade, en son sein prend racine une nouvelle ère : l'ère du Renouveau, de l'Espoir perpétué, de la continuité d'un rêve, le rêve d'un être cher qu'on croyait perdu …
Jade ouvrit grand les yeux : des myriades d'images venaient de lui traverser l'esprit. Le savoir, les souvenirs, quelque chose venait de pénétrer son âme. Tant d'années à croire que tout était perdu, tant de temps pour rien passé à le rechercher : à présent, elle savait qu'elle ne le retrouverait plus jamais.
Elle tomba à genoux, son aura verte se transforma en une irradiation de la même couleur que l'or. Des cris de rage venaient se répercuter dans toute la vallée en contrebas, des cris de peine, de souffrance, la perte d'un être cher…
J'étais né dans un petit hameau d'une vingtaine d'habitants, dans les confins du Tibet, sur le versant d'une abrupte montagne. Là nous n'étions qu'une poignée d'êtres à l'abris du monde, mais nous étions heureux, même si la vie en cette contrée pouvait se révéler plus que rude. Jamais aucune personne ne vint en ce petit village que les anciens appelaient Atlante, nom qui sonnait bien étrange pour un village tibétain. Pourtant, j'en savais beaucoup plus sur le monde que ce que le monde n'en savait sur nous : ma mère s'occupait de mon éducation, tandis que mon père partait avec les hommes de notre clan chasser chaque jour, ce qui le rendait souvent absent. Ainsi ne je garde que très peu de souvenirs de lui, si ce n'est qu'il fût homme bon et avenant, qui a toujours tout fait pour que moi et ma mère ne manquions de rien. Maman était une femme de toute beauté : je me rappelle encore clairement sa longue chevelure mauve tressée en une natte délicate, tombant le long de son dos, posant son regard améthyste sur mon visage d'enfant, irradiant de bonté grâce à l'éclat d'un de ses sourires si rassurants, quand le vent dehors soufflait si fort, et que la peur au ventre je venait me blottir en son sein, humant le doux parfum sucré de ses cheveux si fins. Cela remonte à si longtemps, et pourtant tout est encore si clair en ma mémoire…
Je me remémore clairement ces belles soirées passées à la lueur d'un feu, Maman me tenant dans ses bras, Papa nous racontant toutes sortes de merveilleuses histoires sur des hommes capables de porter sur eux la protection des étoiles elles-mêmes. S'il y a bien une chose que je ne peux effacer, c'est l'éclat de ses yeux quand il parlait d'un Chevalier qui irradiant d'Or, protégeait la Terre du mal qui y prenait naissance, élément unique en son ordre, il réparait les vêtement des astres, et était capable de miracles tels que briser une montagne ou encore fendre les eaux. A ce moment là, je ne pouvais comprendre pourquoi la fierté brûlait dans les yeux de mon père, et pourquoi ma mère versait toujours une larme à l'évocation de ce mythe. Ma vie me semblait normale, pourtant cette légende laissait une empreinte des plus étrange en mon âme. Souvent, je demandais à ma mère de me raconter ce qu'elle savait au courant de ce mystérieux Chevalier, mais je me suis vite rendu compte que l'évocation de ce sujet la laissait triste.
Un jour, alors que j'allais sur mes 8 ans, ma mère partit chez une amie et me laissa seule à la maison. Poussée par une curiosité enfantine, je décidais de mon propre chef de découvrir ce qui se trouvait à l'extérieur de ce village dans lequel j'étais confiné depuis ma naissance. C'est ainsi que, partie alors que le soleil pointait haut dans le ciel, je m'en allais tranquillement, inconsciente des dangers de la nature qui me guettaient à chaque pas.
J'ai marché très longtemps, sur les chemins rocailleux parsemés ça et là de neige, signe que les nuits dans ma contrée étaient plus que rigoureuses une fois le jour totalement estompé. C'est là que, marchant le long d'une pente, je perdis l'équilibre et ne pu que constater que le précipice se situant à ma gauche, inéluctablement m'attirait sans que je n'y puisse rien faire.
Fermant les yeux, machinalement, dans une attitude propre à l'âge que j'avais encore à ce moment là, je glissais donc vers ce trou béant qui m'attirait quand, brusquement, deux bras vinrent me tirer de ma descente mortelle.
Je n'oublierais jamais ce visage, celui d'un garçon un peu plus grand que moi, un peu plus âgé sûrement, mais aussi avec deux points mauves sur le front, et les mêmes cheveux que Maman : dans ses bras je me sentais protégée. La même odeur que celle de ma mère emplissait mes narines quand, blottie contre lui, encore à moitié sous le choc, je respirais pour reprendre mon souffle. Il me fit un sourire et me demanda s'il pouvait faire quelque chose pour moi, je lui répondis alors qu'il serait très aimable de me raccompagner chez moi, dans le village d'Atlante.
Il mit sa main sur mon épaule et, instantanément, nous nous retrouvâmes chez moi. Après m'avoir fait promettre de ne plus partir me promener toute seule, il me salua d'un rire et disparut instantanément.
Ce jour à jamais changea ma vie : je n'avais que 8 ans et pourtant, en voyant cet étrange garçon, j'avais l'impression d'avoir retrouvé une partie de moi-même, d'avoir comblé ce vide qui était là, tout au fond de moi, tapi comme un chasseur en l'attente d'une proie. Je ne savais même pas son nom…
Ma mère entra quelques instants après, totalement paniquée, et resta médusée en me voyant ainsi plantée, dans la seule pièce que comptait notre abris. Après lui avoir expliqué tout ce qu'il m'était arrivé, la chute, et cet étrange enfant, elle me prit dans ses bras et éclata en sanglots.
Mon père apparut quelques instants plus tard, ma mère l'ayant appelé par télépathie. Ils se concertèrent à l'écart de mes oreilles, la seule chose que j'ai pu voir étant le regard résigné de mes deux parents.
Quelques jours plus tard, cet événement marquait encore profondément mes pensées, les interrogations me prenant continuellement à la gorge. Je décidais donc d‘aller discrètement faire un tour chez le chef du village, vénéré comme étant le plus sage et le plus cultivé parmi nous. Qui était donc ce garçon qui, contrairement aux hommes normaux, et cela je l'avais appris dans les livres, possédait les mêmes dons que notre peuple ?
Voulant entrer, je ne pu m'empêcher de constater que quelqu'un se trouvait déjà dans le petit temple qui servait d'habitation au doyen de notre communauté : Maman était là. Ce que j'entendis alors allait bouleverser ma vie à tout jamais.
“Avant même la naissance de cet enfant portant le nom de notre peuple, il avait été décidé que s'il s'avérait être un garçon, il deviendrait notre représentant parmi les Chevaliers d'Athéna : toi et ton mari avez des compétences psychiques très développées qui font que Mû et Jade sont détenteurs d'un immense pouvoir. Toutefois, sache India, que pour les descendants du peuple de Mû, connus pour leurs compétences en matière psychique notamment, il est sacrilège d'envoyer une femme dans les conflits, considérant la femme comme gardienne des traditions, et de ce fait par trop pure pour faire couler le sang. C'est pour cela que les pouvoirs de Jade ont été bridés, pour que celle-ci ne soit pas tentée d'en faire usage. Tes pouvoirs sont certes d'une bonne amplitude, mais pas assez pour pouvoir inquiéter les astres, ceux de Jade le sont. Le loi est la loi, et quiconque est détenteur d'un pouvoir tel que celui de ta fille est contraint à se le voir limiter : de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités, voilà pourquoi ton fils a été envoyé s'entraîner auprès de notre ancien représentant, et voilà aussi pourquoi ta fille s'en trouve libérée. Oui mon enfant, j'ai bien dit libérée… Ta fille doit vivre comme une femme normale, je ne peux concéder à ta demande quant à lui rendre ses pouvoirs : tant que les hommes de notre peuple vivront, ses pouvoirs se verront inopérants. De toute manière, elle vivra auprès de nous et jamais n'aura besoin de se protéger de quiconque. Le débat est clôt India, et même si je comprend ton chagrin, sache qu'il en a toujours été ainsi dans notre peuple, même du temps de sa grande splendeur passée.”
Ma mère sortit du temple en courant, les mains sur son visage pour cacher les larmes qui y coulaient à flot, ne m'apercevant même pas. C'est à cet instant que je su que de grands pouvoirs en moi étaient dissimulés, mais que jamais je ne pourrais les utiliser : j'étais condamnée à rester une simple femme au sein d'un peuple caché du monde.
J'ai toujours pensé que la faiblesse de mes pouvoirs était inhérente à mon âge, tout comme j'ai toujours pensé que ma mère était une femme forte. J'ai su en la voyant sortir de chez l'Ancien qu'elle aussi n'était en fait qu'une femme comme les autres, une femme torturée, brisée, fragile. A partir de ce jour j'ai décidé que jamais je ne serais une simple femme : si mon peuple m'avait trahie, si ma condition était de rester dissimulée à vie dans ce village, alors je transgresserai les lois, je m'en irai, quand les temps s'en feront sentir, je rejoindrai ce frère qui m'a été enlevé.
Mû… Ainsi tel est le nom que l'on t'a donné, à toi, celui qui m'a sauvé d'une mort certaine. Je jure qu'un jour je te retrouverai grand frère, toi qui as su rien que par ta présence combler ce vide qui me hante. Je comprends mieux maintenant cette sensation de manque que j'éprouve depuis une éternité à présent.
Deux années passèrent pendant lesquelles jamais plus je n'ai parlé à qui que ce soit de ce garçon qui m'avait sauvé, de mon frère. Mon père plus jamais ne me conta l'histoire de ce Chevalier d'Or au service de la Justice, ma mère, quant à elle, sombra de plus en plus dans une sorte d'apathie. A présent, c'était plus moi qui prenait soin d'elle que l'inverse. En deux ans, on eut cru qu'elle prit dix années : sa silhouette gracieuse se fit squelettique et son visage se creusa dans la douleur. Mélancolique, ses sourires se faisaient rares, et si sourires il y avait, tellement tristes ils paraissaient. Ces deux années ne firent que plus me conforter dans mon choix de m'en aller retrouver mon frère, pour ne pas ressembler à cette femme qui se tenait là devant moi, cette femme splendide tout à coup rongée par les sentiments. J'avais décidé que dans ma vie, jamais je ne regretterai quoi que ce soit, j'avais décidé de mener mon existence comme il me plairait. Gardienne de la tradition, tu parles !
Je voulais retrouver Mû et devenir comme lui : Gardienne de la Justice. Vivre ici ne m'accorderait aucun avenir, sinon celui de me trouver mari et de faire des enfants, chose faite je me consacrerai à les élever et à faire d'eux ce que moi auparavant j'eu été. Pathétique ! Ô combien de fois ais-je pleuré, ayant honte de ce que je ressentais, ayant honte de trouver le mode de vie de mes parents, de mon peuple tout entier, à ce point désolant ?
Je ne souhaite à personne de se trouver être l'objet d'une telle scission : d'un côté je me devais de respecter les valeurs que mes parents me transmettaient, ces parents qui m'avaient tout donné, qui m'avaient nourrie, logée et surtout aimée ; mais dans un autre sens je détestais ce mode de vie, dénué de tout but sinon vivre dans la lassitude la plus profonde, confiné sur ce versant himalayen, n'apportant rien à l'Humanité, rien à la Terre.
Pour toutes ces raisons, lorsque je n'étais pas chez moi à m'occuper de ma mère ou a exécuter différentes tâches domestiques, j'avais pris l'habitude d'aller à quelques pas du village, au bord d'une rivière, dans le but de m'exercer au combat. Si je n'avais jamais rien vu du monde, je savais toutefois bien qu'il recelait maintes dangers, et si je voulais partir à sa découverte, il me fallait partir bien armée. De plus, comment pouvais-je espérer devenir l'égale de mon frère, être à sa hauteur et finalement le retrouver, si je n'étais même pas capable de franchir un col de montagne ?
Malgré le malédiction pesant sur moi, je n'abandonnais pas l'espoir qu'un jour mes pouvoirs psychiques se développeraient, et c'est avec hargne que je suivis un entraînement non seulement physique, mais également mental, essayant envers et contre tout de me délier des entraves qu'on m'avait assigné.
Un jour de printemps que j'étais partie m'entraîner comme à l'accoutumée, après avoir passé la journée à prendre soin de ma mère, à m'instruire et à m'occuper des corvées, j'entendis un énorme grondement provenant des hauteurs de la montagne sur laquelle était niché notre petit hameau perdu. Là je levais la tête, et ce que je vis me pétrifia : des milliards de tonnes de neige dévalaient le flanc de la montagne, coulée mortelle se dirigeant droit sur moi et en contrebas sur Atlante. Je n'eu que le temps de courir vers notre modeste village que la blanche coulée m'emporta dans ses profondeurs sombres et glaciales.
Je n'arrivais plus à respirer, le froid engourdissait mes membres et brûlait ma peau : je suffoquais. Mes parents, mon village : tous allaient périr ! Que pouvais-je faire ? J'étais condamnée à mourir par la glace, alors que de ma vie je n'avais encore rien fait ! Je devais trouver un moyen de m'en sortir, ne serait-ce que pour sauver mon peuple, ce peuple dont les uniques survivants étaient les membres d'Atlante.
C'est là que le visage de Mû m'apparut, son visage illuminé d'un sourire, me rappelant ce sentiment de protection que j'éprouvais dans ses bras, tout comme dans ceux de ma mère, alors que je n'étais encore qu'une toute jeune enfant. Lui ne se serait pas laissé faire, j'en suis sûre : ma destinée n'est pas de trépasser ainsi. Avant cela je dois le retrouver, je dois sauver mon village, je dois m'accomplir en tant que femme, mais avant tout en tant qu'être humain !
Sur ce, une aura verte comme le jade apparut tout autour de cette enfant de dix ans à peine, bloquée sous les décombres d'une avalanche. Jade n'avait plus froid, la neige compactée se mit à fondre tout autour d'elle, et en quelques secondes, le soleil vint réchauffer son visage bleui. Elle se mit à courir, courir, plus rapide que jamais, puis s'effondra…
Devant ses yeux s'offrait le spectacle macabre de résidus d'habitations arrachés à la terre par l'avalanche. Seules quelques poutres, quelques pierres, gisaient épars au sol, souillant la blancheur éternelle de cette neige meurtrière.
Elle savait qu'elle aurait pu les aider si elle avait été en possession de ses pouvoirs psychiques, elle savait qu'elle aurait pu soulever cette neige, retrouver tous ces corps agonisants, sauver les membres de sa communauté.
Pleurant de tout son soûl, elle se mit à creuser le sol à même ses délicates mains, dans l'espoir de retrouver sa mère ou n'importe qui d'autre. Il fallait qu'ils survivent, elle ne voulait pas être seule !
La nuit venait de tomber, Jade était étendue sur la neige, des taches de sang parsemaient l'immaculé manteau de la terre : la jeune fille avait creusé la neige à s'en ouvrir les mains…
Elle décida qu'elle n'avait pas le droit d'abandonner, jamais ! C'est là qu'elle sentit une main se poser sur son épaule : un homme vêtu d'une étrange armure, une cape lui tombant sur les épaules, tenant en ses bras un enfant d'à peine quelques semaines.
- Je suis désolé mon enfant, tu ne peux plus rien faire pour eux.
Il posa le bébé au sol, puis glissa ses deux paumes autour de mes mains : une étrange lueur d'une couleur dorée éclatante vint apaiser mes blessures et fermer mes plaies. Je me rappellerai toujours cette aura pleine de majesté, de bonté, qui vint m'envelopper et, l'espace d'un instant, emplir mon cœur de chaleur.
Reprenant l'enfant délicatement emmailloté dans un linge, il apposa sa main contre ma tête : l'instant d'après nous étions dans une rue sombre, apparemment voie déserte d'une ville.
Des larmes roulaient sur mes joues à la pensée de ces êtres chers que je venais de perdre, Maman, Papa, tout mon peuple…
Je me retournais pour lui demander ce que je n'avais pas fait lorsque Mû, par le passé, m'avait sauvée :
- Quel est votre nom, qui êtes vous ?
- Tu n'as pas besoin de le savoir. Sache juste qu'à présent il n'incombe qu'à toi de mener à bien ta Destinée.
Jade se laissa tomber au sol sur les genoux.
- Mais je suis seule à présent !
- Crois en ton étoile mon enfant, ais confiance et tu y arriveras.
Sur ce, le mystérieux inconnu disparu avec le bébé, laissant la jeune fille perdue dans un monde inconnu, seule en cet univers.
J'ai passé les 8 années suivantes en solitaire, à la recherche de mon frère, ce frère qui n'était même pas au courant de mon existence, ce frère qui ne savait même pas qui étaient ses parents, ce frère qui m'avait, l'espace d'un instant, tenu dans ses bras. Si seulement mes pouvoirs psychiques n'avaient pas été bridés, si seulement…
Tout ce temps, je l'ai passé à ta recherche, parcourant les cinq continents, devenant de plus en plus forte, de plus en plus solide. Par la force des choses, j'ai appris à m'endurcir : les hommes ne sont pas toujours tendre entre eux, et ma beauté m'attirait parfois bien des ennuis.
Je découvris plus tard que cette lueur que j'avais prise pour une apparition psychique était en fait l'expression de ce que les guerriers appelaient le cosmos : seuls certains êtres exceptionnels arrivaient à le matérialiser. Pourtant, je ne me sentais pas exceptionnelle, loin de là…
Il y a donc trois jours de cela, alors que j'étais au sommet du Mont Kailash, ton essence m'a envahi, j'ai eu accès à tous tes souvenirs, à toutes tes connaissances, à tout ton savoir.
Le fatalité est telle que ta mort m'a permis de me libérer de mes entraves, et mon pouvoir a ainsi ressurgit, je suis à présent en pleine possession de mes capacités psychiques : phénoménales. Ainsi, malgré le fait que nous ne nous connaissions pas, notre lien fraternel a su te guider vers moi pour partager tes derniers instants : les liens du sang existent donc vraiment. Je te regrette tant mon frère, pourtant j'ai pu ressentir le bonheur qui t'a traversé lors de ton sacrifice pour cette Déesse de Justice et de Compassion. Si tu savais comme je suis fière de toi, si tu savais comme tu peux me manquer, alors que nous ne nous connaissions même pas.
J'ai vu gravé en tes souvenirs ce drôle de petit bonhomme qui semble beaucoup compter pour toi : ce jeune garçon, avec deux points sur le front, et qui possède lui aussi des pouvoirs de télékinésie, marque de son appartenance au peuple de Mû, à notre peuple, moi qui me croyait l'unique héritière d'un peuple disparu.
Etrangement, si j'ai récupéré la totalité de mes pouvoirs, c'est qu'il n'est pas fils de deux descendants du peuple de Mû, car seule la disparition de tous les représentants masculins de mon peuple ont fait que mes capacités se sont pleinement manifestées. C'est grâce à cela que j'ai pu te localiser dans ce Sanctuaire, près d'Athènes, petit bonhomme aux airs si malicieux.
A présent j'ai décidé de le rejoindre, il doit sûrement très bien connaître mon frère, j'espère qu'il pourra me parler de lui. Je ne sais pas ce qu'il adviendra de moi, mais une chose est sûre, cet homme mystérieux en armure disait bien vrai : ma Destinée est entre mes mains à présent, et il est temps que je suive son chemin, sur les traces de mon frères à présent perdu…
Une dernière larme coula le long de sa joue en signe d'adieu et de remerciement pour celui qui, sans le savoir, avait guidé sa vie depuis maintenant dix années :
Mû, Chevalier d'Or du Bélier.
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