Le vieil homme marchait d'un pas traînant, appuyé sur sa canne. Il jeta un coup d'œil sur le petit garçon pensif à son côté. Se sentant observé, ce dernier leva les yeux vers son aîné et lui sourit avec une candeur si touchante que le vieil homme senti les larmes lui monter aux yeux. Il détourna rapidement la tête et accéléra un peu le pas.
- Dis, grand-père! Pourquoi ils m'ont pas dis au revoir? demanda alors le garçon en courant pour le rattraper.
Le vieil homme soupira et marcha un peu plus vite. Il n'arrivait pas à lui dire la vérité. Cela faisait déjà trois jours et il n'avait toujours pas trouvé le courage de lui expliquer.
- Quand est-ce qu'ils reviendront? poursuivit le garçon avec insistance.
Le vieillard s'arrêta si soudainement que le garçon faillit le percuter.
- Ils ne reviendront pas, dit-il alors sans le regarder. Ils ne reviendront jamais…
- Pourquoi? demanda le garçon, les yeux pleins de larmes.
- Parce qu'ils sont morts… Tes parents sont morts, Jivan.
Le garçon resta un moment désemparé. Morts? Qu'est-ce que ça voulait dire? Ils ne reviendront jamais? Il se mit alors à courir droit devant lui, ne faisant pas attention aux cris de son grand-père. Il coura jusqu'à l'épuisement puis il trébucha et tomba la tête la première. Il resta étendu sur le sol, pleurant toutes les larmes de son petit corps. Quand les hommes de la réserve le retrouvèrent, il s'était endormi.
Jivan se réveilla dans son lit. Il regarda un moment autour de lui puis ses yeux s'arrêtèrent sur le vieil homme qui s'était assoupi sur une chaise près de lui.
- Grand-père, appela doucement Jivan.
Le vieil homme se réveilla en sursaut puis regarda le garçon avec soulagement. Il se pencha au-dessus de Jivan et l'embrassa tendrement sur le front.
- Grand-père, raconte-moi l'histoire de nos ancêtres… raconte-moi comment c'était quand notre peuple s'est installé sur ces terres.
Le vieil homme sourit. Il se leva et s'assit au bord du lit de son petit-fils. Il commença à raconter les histoires qu'on lui avait contées quand il avait l'âge de Jivan. Les histoires des guerriers qui peuplaient ces terres avant que l'homme blanc n'arrive et massacre le peuple local. Jivan écoutait avec le même intérêt que s'il les entendait pour la première fois. Il leva les yeux sur le "capteur de rêves" au-dessus de son lit qui le protégeait des mauvais rêves. C'était tout ce qui lui restait de sa mère…
***
Jivan courait, balle au pied vers les buts adverses. Un défenseur arriva sur lui et il passa à l'un de ses partenaires. Manuel arma son tir mais avant qu'il n'ait pu tirer, il fut projeté sur le sol. Des garçons un peu plus âgés que lui étaient entrés sur le terrain.
- Eh les peaux rouge! cria le plus grand d'entre eux, Cassez-vous d'là! c'est notre terrain.
- On était là en premier, protesta le garçon à terre.
- Ferme-là, répliqua le garçon en lui donnant un coup de pied dans l'estomac.
- Eh! Ca va pas! s'écria Jivan en s'avançant vers le groupe pour aider Manuel.
- T'as quelque chose à dire, sale peau rouge!
- Je suis pas un sale peau rouge! répliqua Jivan en se précipitant vers le garçon.
Jivan regardait son grand-père avec gêne. Le vieillard fouilla dans une armoire et en sorti un petit pot de pommade qu'il ouvrit. Puis, à l'aide d'un linge, il commença à en appliquer sur les plaies de Jivan.
- Je t'ai déjà dis de ne pas te bagarrer.
- Je sais grand-père mais c'est eux qui ont commencé!
- Tu n'avais pas à répondre à la provocation. A présent, c'est la réserve qui va avoir des problèmes…
- Mais c'était pas notre faute! protesta Jivan.
- Peu importe. Nous seront tenus pour responsable.
- C'est injuste!
- La vie est injuste, Jivan, répliqua le vieil homme d'une voix triste. Surtout pour ceux qui vivent ici…
Jivan et ses amis avaient été punis. Ils regardaient les préparatifs de la fête, le visage morne. Jivan se leva avec colère. C'était tellement injuste!
- Tu vas où? demanda Manuel.
- Je vais faire un tour…
- Je viens avec toi.
Ils partirent tous les deux sur le petit sentier. Manuel s'arrêta et Jivan se retourna vers lui pour savoir ce qu'il se passait.
- Je te remercie d'avoir pris ma défense…
- Ne dis pas de bêtises! Nous avons tous pris ta défense! Faut bien être solidaire. Allé! Viens! On va aller à Spyder rock.
Quand ils revinrent à la réserve, Jivan avait retrouvé sa bonne humeur. Ils s'arrêtèrent alors devant un homme grand au visage d'oiseau de proie. Jivan le reconnu tout de suite pour être son voisin, Jim. Un horrible pressentiment le pris quand il vit le visage sombre de l'homme.
- Que se passe-t-il? demanda Jivan.
- C'est ton grand-père…
Jivan n'entendit pas le reste de la phrase. Il se mit à courir vers leur hogan et ouvrit brusquement la porte. Il pénétra dans toutes les pièces en appelant son grand-père. Il ne pouvait pas mourir! C'était la seule famille qui lui restait. Qui s'occuperait de lui quand il se blessera? Qui lui racontera les anciennes histoires de la tribu? Les larmes aux yeux, Jivan resta au centre de la pièce. Jim le rejoignit.
- C'est déjà trop tard…
- Je… je ne lui ai même pas dit au revoir…
- Tu veux le voir avant…
Jivan secoua la tête. C'était au-dessus de ses forces. Jim posa une main réconfortante sur l'épaule du garçon puis sorti. Timidement, Manuel entra et regarda Jivan.
- Tu veux venir chez moi?
- Merci, Manuel… Je ne crois pas que j'aurais pu rester ici… Juste une minute.
Jivan alla dans sa chambre et prit un sac où il mit quelques vêtements puis il décrocha son "capteur de rêves" qu'il enveloppa soigneusement dans une de ses chemises. Lentement, il ferma la porte puis entra dans la chambre de son grand-père. Il parcourut la pièce du regard puis s'approcha du lit et prit la couverture brodée qui était dessus. Il n'y avait rien d'autre qui lui importait dans cette maison. Le reste était des souvenirs qu'il chérirait toujours mais qui n'appartenaient qu'au passé. Il n'avait que 9 ans et il se retrouvait seul…
***
Jivan regardait avec intérêt le Hataali dessiné un Hozho sur le sol. Il connaissait ce dessin et aurait pu le faire les yeux fermés. Il sentit qu'on le tirait par le bras. Jivan regarda Manuel puis poussa un soupir silencieux avant de sortir. Il le savait : il n'aurait pas dû être là car il risquait de troubler la concentration de l'homme-médecine. Jivan était cependant assez fier de ses connaissances en peintures de sable et regarder un Hataali en faire l'avait toujours émerveillé.
Manuel s'éloigna sans rien dire. Jivan le regarda, troublé. Manuel était bizarre en ce moment. Habituellement, il l'aurait charrié amicalement et puis, ils auraient fait un tour à Spyder rock, essayant de se mettre en harmonie avec les éléments. Mais depuis quelques temps, Manuel avait l'air ailleurs. Il regardait autour de lui d'un air absent et parfois extatique. Jivan vit son ami partir vers le hogan de Steve. Jivan fronça les sourcils. Il n'aimait pas Steve et l'amitié de Manuel pour ce dernier rendait Jivan inquiet. Il s'apprêta à suivre Manuel quand il vit une silhouette titubante s'écrouler sur le sol. Jivan soupira : Jim était encore saoul…
Après avoir raccompagné et couché Jim, Jivan se mit à fouiller le hogan de ce dernier. Il ne savait pas combien de fois il l'avait fait mais depuis la mort de sa femme, Jim buvait beaucoup trop. Jivan regarda dans les caches habituelles de Jim. Il ne trouva qu'une bouteille de whisky. Après l'avoir vidée, Jivan se remit en quête d'alcool mais ne trouva rien de plus. Il savait que ça ne servirait à rien. Dès qu'il en aurait l'occasion, Jim irait se saouler dans un bar et Jivan ne pouvait rien faire contre ça. Et puis, Jim n'était pas un cas isolé. De nombreux Dineh s'adonnaient à l'alcool et à la drogue.
Il jeta un rapide coup d'œil à Jim qui dormait d'un sommeil d'ivrogne en ronflant bruyamment. Tristement, Jivan passa le doigt sur sa cicatrice sous l'œil gauche. C'était Jim qui lui avait fait, un soir alors que soûl, il avait surprit Jivan en train de vider une bouteille de whisky. Jim en avait été furieux. Il l'avait poussé violemment à terre et Jivan avait lâché la bouteille qui s'était cassée. Jim avait attrapé le reste de la bouteille par le goulot et avait frappé Jivan à la tête avec le verre brisé. Il s'en était bien sorti ce jour là. Ça aurait été pu être plus grave si plusieurs hommes de la réserve n'étaient intervenus.
Jivan soupira puis il se rendit seul à Spyder rock. En chemin, il se remémorait le soir où il avait eut sa cicatrice. Il se demanda pourquoi il prenait la peine de s'occuper de Jim… Pourquoi ne le laissait-il pas se soûler? Pourquoi voulait-il à ce point croire que dans chaque homme, il y avait du bon? Il regarda le paysage que les rayons du soleil couchant baignaient dans une lumière rouge, remuant ses sombres pensées. Le canyon était d'une beauté à couper le souffle. Depuis tout petit, il s'émerveillait de ce spectacle et comme à chaque fois, cela apaisa son âme. Il s'assit en tailleur par terre puis pris une pincette de sable et se mit à dessiner distraitement des motifs compliqués. Il regarda son œuvre d'un œil critique puis balaya le dessin de la main. Il posa ses coudes sur ses cuisses et posa la tête au creux de ses mains, le regard perdu dans le canyon de Chelly. Un jour, il irait voir le Grand Canyon…
Jivan se redressa puis posa ses mains sur ses genoux. Il ferma les yeux et se mit à écouter le vent. Il perçut le vol majestueux d'un aigle. Il sentait la présence d'un lézard se réchauffant au soleil couchant. Son âme entendit la vie du canyon. Il se sentait bien. Il était en harmonie avec la nature, ressentant sa puissance et sa fragilité. Jivan ouvrit les yeux et huma avec délectation les parfums de l'air. Manuel n'avait jamais réussit à se mettre ainsi en accord avec l'environnement. Il n'avait jamais compris ce que ressentait à chaque fois Jivan dans ces moments là. C'était peut-être ça qui les avait éloignés l'un de l'autre.
L'esprit à présent parfaitement calmé, il se leva et reprit le chemin du village, vers ces stupides humains qui ne savaient pas apprécier la vie et les bienfaits de la nature.
Quand il arriva à hauteur du hogan où il vivait avec Manuel et sa famille depuis la mort de son grand-père, Jivan se retrouva devant un attroupement. Il joua des coudes afin de s'approcher puis découvrit la mère de Manuel en larmes.
- Qu'est-ce qui se passe? demanda-t-il de plus en plus angoissé.
- Manuel s'est écroulé, répondit la femme entre deux sanglots.
Jivan marchait de long en large dans le couloir de l'hôpital où Manuel avait été transporté. Voyant qu'il n'arrangeait pas l'état de la mère de Manuel, il s'éloigna pour aller se chercher un café. Tandis qu'il attendait que la machine se décide à fonctionner, il vit deux médecins sortir de la salle où était Manuel. Il tendit l'oreille.
- Encore une overdose… disait le plus âgé. C'est le quatrième ce mois-ci qui vient de la réserve Navajo.
- Oui, c'est bien malheureux. Entre l'alcool et la drogue, on se demande comment ils survivent!
- Ce n'est pas drôle Tom, répliqua le médecin d'un ton dur.
- Désolé, docteur. Mais soyons réaliste, ces indiens sont pathétiques.
Jivan ne prêta pas attention à son café qui la machine avait enfin versé dans le gobelet. Il resta un moment pétrifié à regarder le vide. Il fut bousculé par un homme corpulent.
- Tu peux pas faire attention, sale peau-rouge! cria l'homme d'une voix rocailleuse. Tu veux que…
L'homme regarda Jivan avec surprise puis il recula précipitamment, marmonnant des excuses. Jivan avait les yeux froids et le visage impénétrable. Les hommes… l'espèce humaine… ce n'était rien que des arrivistes. Non content de détruire l'environnement, il prenait en plus un malin plaisir à détruire cette vie qu'on leur avait accordé. Il était dégoûté. Jamais plus il ne pourrait croire en l'humanité. Il entendait encore son grand-père lui raconter le pacte qu'avait passé les Dineh avec la nature. Qu'en restait-il? Non, il ne voulait pas rester ici, parmi ces déchets qui se complaisaient dans leur mouise actuelle. Il n'avait plus confiance. Seul la nature ne l'avait jamais trahit.
Dans la vieille voiture du père de Manuel qui les ramenait à la réserve, Jivan restait silencieux. Tout le monde était soulagé que Manuel soit hors de danger. Mais ça lui était égal. Ils arrivèrent à leur hogan dans la nuit noire. Chacun alla se coucher. Jivan pénétra dans la chambre qu'il partageait avec Manuel et, comme le jour où il avait quitté le hogan de son grand-père, il fit son sac, rangeant soigneusement les deux seuls objets qui le raccrochaient au passé : le "capteur de rêve" et la couverture de son grand-père. Il attendit que tout le monde soit endormi puis pris quelques fruits dans un panier posé sur la table de la pièce commune. Il sortit sans accorder un regard au foyer qui avait été de sien pendant 5 ans. D'un pas décidé, il se rendit une dernière fois à Spyder rock pour assister au levé du soleil. Puis il se détourna et se mit en route.
***
Jivan regardait les flammes de son feu danser. Il était plutôt content de lui. Aujourd'hui encore, il avait vu le grand aigle. Et cette fois-ci, le rapace l'avait regardé. C'était grisant d'être ainsi reconnu par la plus noble créature du canyon. Il s'étira puis se coucha à même le sol. Il s'enroula dans sa couverture puis toucha délicatement son "capteur de rêve" avait de s'endormir.
Il se réveilla tôt, comme toujours. Il se leva immédiatement en prenant soin de plier soigneusement sa couverture. Il éteignit le reste de son feu avant de l'étouffer avec du sable. L'aube allait bientôt se lever et il ne voulait pas louper le lever du soleil sur le Grand Canyon. Cela faisait déjà 4 ans qu'il vivait ici et ce spectacle l'éblouissait toujours. Il se passa un peu d'eau sur le visage pour effacer les dernières traces de sommeil et sorti de sa grotte. Il regarda le ciel, cherchant à repérer ce groupe d'étoiles qu'il trouvait très réconfortant. Il ne savait pas son nom. Pour lui c'était "Dinehtah" en l'honneur de ses ancêtres. Il leur adressa un sourire complice puis retourna dans la grotte ranger ses affaires. Il mit son sac sur le dos et parti voir le lever du soleil.
Il regarda le Grand Canyon à ses pieds. C'était vraiment magnifique. Il s'assit par terre puis ferma les yeux, totalement ouvert à la nature qui l'entourait. Depuis qu'il était ici, ses sens s'étaient profondément accrus. Il percevait tout être vivant à un kilomètre à la ronde. Et plus le temps passait, plus cette perception s'accentuait. Puis il ouvrit les yeux et se remit sur pied. Il se mit à faire des gestes lents dans une sorte de danse qui délia ses muscles après les heures passées à communier avec la nature.
Très content de lui, Jivan mit son sac sur le dos pour ne pas être gêné puis se mit à courir, sautant au-dessus des obstacles. Il s'arrêta alors devant un énorme rocher. Il le détailla un moment se demandant comment le contourné. Puis une idée subite le frappa. Un léger sourire étira ses lèvres. Aujourd'hui, il était de très bonne humeur et il se sentait capable de faire des miracles. Il déposa son sac à terre puis ferma les yeux, se concentrant son énergie vitale qu'il s'évertua à harmoniser avec la nature. Jivan se fondit dans le vent, s'unissant au grand esprit de la nature. Il ouvrit les yeux et vit des bulles de couleur différentes s'élever vers le ciel. Il repéra celle de couleur marron et cria :
- La Terre!
Il sentit un énorme flux d'énergie couler en lui et la bulle marron se mêla à sa propre énergie pour aller frapper le rocher. Quand la poussière que son coup avait soulevée se dispersa, il se retrouva en face du rocher intacte . Jivan s'approcha de lui et posa la main dessus. Il secoua la tête puis sourit. La nature ne devait pas être abîmée pour si peu! Il pouvait bien contourner le rocher! Mais ce qui s'était produit était vraiment bizarre… Jivan récupéra son sac et se remit à courir. Il faudrait qu'il demande aux esprits de ses ancêtres ce qu'ils en pensaient.
Jivan s'était assis près du feu. Il regarda des petits tas de terre. Après avoir fait son choix, il prit une pincette de terre jaune et se mit à dessiner des motifs, changeant de couleur selon son inspiration. Ses peintures de sable n'avaient plus rien à voir avec les Hozhos que les hommes-médecine réalisaient pour soigner les malades. Jivan aimait réaliser ces peintures sans but précis. Il frotta ses mains l'une contre l'autre pour enlever la terre qui était restée dessus et regarda son œuvre avec satisfaction. Ce motif n'avait aucune signification; il ne s'agissait que d'une rosace à 12 pétales. Mais il le trouvait joli. Jivan contempla son dessin un instant puis dispersa la terre d'une main. L'heure était propice à évoquer les esprits et il avait beaucoup de chose à leur demander.
***
Jivan se battait de tout son cœur et de toute son âme. Il savait qu'il ne gagnerait pas mais il continuait tout de même à essayer de frapper son adversaire. Puis il s'arrêta, épuisé. Il devait être dingue pour se battre contre le vent comme s'il s'agissait d'un homme! Il regarda ses nouvelles bottes qu'il avait troquées contre quelques œufs de serpent. Ses anciennes n'avaient pas résistées à ses innombrables courses. Il se souvenait du jour où il s'était mit à courir de sa grotte pour y revenir quelques minutes après. Il avait pourtant fait le tour du Grand Canyon mais les braises sous la terre était encore chaude… Il s'était demandé s'il n'avait pas rêvé mais depuis, il le faisait tout le temps. Il avait même l'impression de pouvoir faire le tour de la terre en quelques secondes! Mais il n'avait pas envi de partir d'ici.
A présent, il n'avait plus besoin de se concentrer énormément pour s'harmoniser avec la nature ni même pour communiquer avec les esprits de ses ancêtres. Il faisait cela naturellement et avec une perfection acquise par l'expérience. Ce qui l'intriguait assez était cet halos doré qui l'entourait quand il faisait appel à son énergie vitale.
Quelques semaines auparavant, il avait ressenti un grand chagrin. Sans même savoir pourquoi, il avait levé les yeux, cherchant à voir quelque chose dans le ciel matinal. Il avait l'impression d'avoir perdu un proche. Mais il avait vite oublié cette idée absurde : cela faisait bien longtemps que tous ses proches étaient morts.
Aujourd'hui, il ressentait une étrange pression. Comme si la Terre courait un grave danger, encore plus grave que les inondations que la Terre avait subie il y a plusieurs jours. Mais il n'arrivait pas à comprendre. Les esprits de la nature et ceux de ses ancêtres étaient très perturbés. Les animaux avaient peur. Il regarda le ciel en fronçant les sourcils. Une éclipse? Elle n'était pas naturelle, il en était persuadé. Comment était-ce possible?
Les heures qui suivirent lui parurent interminables. Quelque chose de très important pour la Terre avait lieu en ce moment mais il ne comprenait pas trop de quoi il s'agissait. Il avait l'impression qu'une terrible bataille avait lieue, bataille qui était très importante pour la sauvegarde de la planète. Il frissonna, ayant l'impression d'entendre des armes s'entrechoquées. Puis quelques instants après il ressentit un grand soulagement mêler à de la tristesse pour les disparus.
Puis le soleil réapparut. Jivan leva le visage vers lui pour que les doux rayons de l'astre solaire touchent son visage. La Terre était sauvée. Puis il se mit à réfléchir à toutes les impressions qu'il avait eut. Il ne se demandait pas si tout cela était réel ou le fruit de son imagination. Il était sûr que tout avait bien eut lieu et c'est cela qui l'intriguait. Pourquoi une personne comme lui avait pu ressentir tout ça? Et quels étaient ces hommes capables de se sacrifier pour protéger la Terre? Quelque chose se figea en lui. Mécaniquement, il passa un doigt sur sa cicatrice sous l'œil. Il considérait depuis longtemps l'homme comme le parasite de la Terre. Ces êtres qui aimaient détruire la nature et se détruire eux même ne méritaient que son mépris. Mais il existait d'autres hommes qui voulaient préserver la nature et sauver l'espèce humaine. Des personnes prêtes à sacrifier leur vie pour cela.
Jivan regarda le canyon à ses pieds et inspira profondément. Puis un sourire étira ses lèvres. Il s'était trompé. Et il en était profondément content. Les hommes n'étaient pas tous des êtres ignobles. Il y en avait qui appréciait la vie et la protégeait. Un énorme poids glissa de ses épaules. Il ne s'était jamais rendu compte à quel point sa déception du genre humain l'avait écrasée. Il allait toucher de nouveau sa cicatrice mais suspendit son geste. Il s'était trompé. Maintenant, il le savait. Oh, bien sûr, il y avait des hommes qui méprisaient la vie mais ceux-là ne l'intéressaient pas. Ceux qui méritaient son attention étaient les défenseurs de la Terre. Mais qui étaient-ils? Est-ce qu'un jour il pourrait les rencontrer?
Ce soir-là, Jivan n'arrivait pas à s'endormir tant ses pensées tourbillonnaient dans sa tête. Il regardait ce groupe d'étoiles cher à son cœur qu'il avait appelé affectueusement "Dinehtah". Il ne savait pas s'il était prêt à affronter le monde. Ses rares contacts avec d'autres hommes avaient lieu quand il commerçait avec ses semblables pour acquérir ce qu'il ne pouvait fabriquer. Mais il devait surmonter ces stupides craintes. Il rencontrerait probablement beaucoup de ce genre de personnes qu'il détestait mais ils n'étaient pas tous comme ça. De plus, avec l'aide de la nature et des esprits de ses ancêtres, il ne craignait personne. Dinehtah se mit à scintiller comme pour approuver sa décision. Jivan attrapa sa couverture et s'enroula dedans. Il ne tarda pas à s'endormir, le cœur léger.
***
Jivan salua le vieil homme. Il n'arrivait pas à se souvenir de son nom mais il l'aimait bien. Par certains côtés, il lui rappelait son grand-père. Il s'éloigna un peu du campement. Bien qu'il ait renoué avec le genre humain, il n'avait pas encore renoncé à ses communions avec la nature. Il leva la tête au ciel saluant son ami bienveillant. Puis il ferma les yeux pour s'imprégner de la vie environnante. Il rouvrit prestement les yeux et regarda, atterré, son bras entouré de cet halot doré qui apparaissant quand il appelait son énergie vitale. Quelqu'un cherchait à lui parler? Il regarda de nouveau Dinehtah qui luisait plus fort que d'habitude.
- Jivan, il est temps d'aller au Sanctuaire, semblait-elle lui dire.
- Le Sanctuaire? Qu'est-ce que c'est?
- Laisse ton instinct te guider.
Jivan resta longtemps le visage tourné vers Dinehtah. Puis, lentement, il retourna au campement. Il refit son sac et salua ses compagnons de route. Il s'éloigna d'un pas lent puis, quand la lumière du feu de camp eut disparu à sa vue, il se mit à courir aussi vite qu'il en était capable. Il ne lui fallut que quelques secondes pour se retrouver sur une étrange île. Il regarda autour de lui avec intérêt puis leva la tête vers le soleil. C'était le matin ici. Il avança d'un pas lent mais sûr vers ce lieu qui se nommait "Sanctuaire". Il ne savait toujours pas ce qu'il faisait ici mais quelque chose lui disait qu'il aurait bientôt toutes les réponses à ses questions.
Il arriva en vu d'un étrange lieu entouré de colonne. D'après ses souvenirs de géographie et d'histoire, il devait être en Grèce. Il fallait espérer que les personnes qui vivaient ici parle anglais! Il ressenti alors des énergies. Curieux, il parti dans cette direction. Devant lui, il vit un jeune homme et une jeune femme portant un masque se battre. Il les regarda un moment avec amusement et écouta se qu'ils se disaient, s'étonnant tout de même de parfaitement les comprendre bien qu'il n'ait jamais appris le Grec. Ça devait être inné chez les chevaliers. Les chevaliers? Jivan haussa les épaules, décidant de ne plus se poser de questions. Il vit le jeune homme qui s'appelait Jabu déclenché son attaque et la jeune femme l'éviter avec, tout de même, quelques difficultés. Jivan sourit au ton qu'employait la jeune femme pour parler à son élève. Il décida alors d'intervenir. Il appela les éléments de la Terre et la nature se mit à vibrer autour d'eux. La jeune femme dont le nom était Marine regarda Jabu et secoua imperceptiblement la tête en réponse à une question intérieure.
- Tu as raison, Marine, ce n'est pas Jabu qui a provoqué cela, c'est moi.
- Qui est là ? s'écria la jeune fille.
Jivan s'avança pour qu'ils le voient. Il remarqua le regard surpris de Jabu lorsque celui-ci vit son pendentifs en os autour de son cou.
- Un Indien ? murmura Jabu.
- C'est exact, jeune garçon, je me nomme Jivan et suis originaire d'Amérique comme mes ancêtres.
- Est-ce toi qui a provoqué…
- Le changement d'état de la nature ? Oui, il s'agit la de mon pouvoir. La nature et moi ne faisons qu'un, elle me prête sa force car je la défends, j'en prends soin et je sais l'écouter…C'est aussi pourquoi je peux lire dans les esprits car sans vous en rendre compte, ils ne font qu'un avec elle.
- Tu es, commença Jabu…
- Oui, je suis bien né sous la constellation du Capricorne…continua Jivan.
A part lui, Jivan réalisa soudain que la constellation qu'il appelait Dinehtah et qui avait été sa compagne durant toutes ces années était en fait la constellation du Capricorne. Il réalisa aussi que, depuis son arrivée en ce lieu, une atmosphère particulière y régnait. Il hocha la tête d'un air entendu. Ils étaient tous présents. Les douze pétales de la rosace étaient réunis en ce lieu nommé Sanctuaire et ils protégeraient la Terre au péril de leur vie.
Petit lexique :
* Capteur de rêves : faits de fibres végétales et d'un cerceau de bois, ces amulettes protègent des mauvais rêves.
* Canyon de Chelly : canyon qui se trouve au beau milieu de la grande réserve Navajo et qui a la forme d'un Y (en Navajo, "Chelly" signifie "canyon").
* Dineh : autre nom des Navajo, indiens peuplant l'Arizona ("Navajo" venant de l'Espagnol "navaja" qui signifie couteau/dague).
* Dinehtah : signifie "la terre du peuple" - terre des Dineh (ou Navajo).
* Hataali : celui qui permet à la guérison d'avoir lieu (toutefois, ce n'est pas lui qui guérit).
* Hogan : logis traditionnel des Navajo.
* Hozho : signifie "harmonie intérieure" - peinture de sable qui permet la guérison en reformant l'harmonie intérieure des malades (il en existe plus de 1000 différents).
* Spyder rock : route longeant le versant sud du canyon de Chelly.
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