Nghaï, Chevalier d'Or de la Balance
La Dernière Larme

Il n'avait pas bougé d'un pouce de l'endroit où on lui avait dit d'attendre. Il se tenait bien droit, les bras le long du corps, la tête droite, les yeux rivés sur la porte devant lui. Il attendait patiemment, le visage affichant un calme peu commun pour un enfant de cet âge. Il perçut une présence derrière lui mais ne bougea pas. Un homme pénétra dans la pièce par la porte, derrière lui. L'homme avança vers la porte que le garçon fixait depuis plus de dix minutes, il lui fit signe de le suivre. D'une façon calme et remplie de dignité, le petit garçon pénétra derrière l'homme et ferma la porte derrière lui. Il se plaça devant le bureau derrière lequel l'homme s'était assis. Il resta debout jusqu'à ce qu'on lui dise de s'asseoir. L'homme le dévisagea longuement avant de prendre la parole.

- Tu sais pourquoi tu es ici?

L'enfant regarda l'homme droit dans les yeux mais ne répondit pas. Gêné par ces yeux graves, l'homme baissa les yeux sur la feuille posée devant lui puis, après quelques secondes, il soupira.

- Comment un enfant aussi calme peut-il nous poser autant de problèmes?
- Je n'ai rien fait, monsieur, répondit le garçon d'une voix neutre.
- C'est la troisième bagarre à laquelle tu es mêlé, Nghaï.
- Je n'ai fait que me défendre. Je n'ai pas frappé le premier, monsieur.

La voix de l'enfant ne trahissait aucune colère, aucune malveillance. Il n'énonçait qu'une vérité. L'homme soupira. Il regarda sa feuille, indécis.
Nghaï ferma la porte en sortant du bureau du directeur de l'école supérieure de Yuelu. Il s'en était plutôt bien sorti une fois de plus. Il marcha d'un pas mesuré dans la cours, quand il se retrouva en face de trois garçons plus grands que lui.

- Tu t'es fait réprimander, dit l'un d'eux, un sourire mauvais sur les lèvres.
- Il me semble que ton œil a enflé, répliqua Nghaï d'un ton calme.

Le garçon attrapa violemment Nghaï par le maillot, les yeux embrasés par la colère.

- Tu me le paieras, espèce d'orphelin.
- Seules les personnes qui manquent de confiance en elles usent de violence et d'insultes… si, bien sûr, c'était une insulte… Dis moi… c'était bien une insulte?

Le garçon serra les dents. Il arma son poing pour le frapper.

- Est ce bien prudent de ta part? demanda Nghaï d'un ton toujours aussi calme. Tu sais bien que si tu me frappes en premier, je serais en droit de répliquer pour me défendre. Et malgré le fait que je sois plus jeune que toi et que vous soyez trois, je n'aurais aucun mal à vous envoyer une fois de plus à l'infirmerie…

Le garçon poussa brutalement Nghaï qui ne fit qu'un pas en arrière. Devant cette preuve manifeste de son infériorité de force face à ce gamin, il tourna les talons et partis en martelant le sol, furieux, suivi par ses deux camarades qui lançaient des regards inquiets vers Nghaï.

- Nghaï 4, les trois crétins dont je ne me souviens plus le nom 0, murmura Nghaï avec un léger sourire. Je commence à me faire des amis apparemment.

Nghaï reprit son avancée, les bras croisés derrière le dos. Après presque un an dans cette école, il n'avait pas un seul ami, mais bizarrement, cela ne lui pesait pas : il sentait au plus profond de son cœur que sa place n'était pas ici… mais où alors? Nghaï haussa les épaules. Il avait le temps de voir venir. Après tout, il n'avait que 7 ans.


***


Nghaï était assis au pied d'un arbre et lisait tranquillement un livre de poésie qu'il affectionnait. Il sentit une présence près de lui mais ne leva pas la tête pour autant. La personne se mit devant lui, cachant le soleil. Avec un imperceptible froncement de sourcils, Nghaï leva la tête vers cet importun. Lorsqu'il le reconnut, il leva les yeux au ciel, désespéré.
Le garçon devant lui avait un gros pansement sur le nez et un œil au beurre noir. Il lui adressa un sourire mauvais laissant apparaître les deux dents qui lui manquaient.

- Cette fois-ci, tu t'en sortiras pas, dit le nouveau venu.
- Je n'ai pas frappé le premier, répliqua Nghaï d'un ton calme. Et j'ai des témoins.
- Oui mais Tchan est à l'hôpital. Son père a demandé ton renvoi. T'as intérêt à préparer tes affaires.

Le garçon tourna les talons en riant. S'il s'était retourné, il aurait pu voir le sourire de Nghaï.
Lorsqu'il fut convoqué au bureau du directeur, Nghaï affichait un visage serein. Il ne fut pas surpris de voir son beau-père. Il écouta les remontrances qu'on lui fit. Le directeur admit cependant qu'il n'avait pas déclenché la bagarre, seul point qui importait vraiment à Nghaï. En regardant subrepticement son beau-père, le garçon su qu'une fois rentré chez lui, il aurait droit à une bonne correction., mais cela ne l'inquiétait pas. La seule chose qui lui importait c'était qu'il allait enfin quitter cette école.
Nghaï monta lentement l'escalier, il avait mal partout : il s'y était attendu à cette correction mais il ne savait pas à quel point elle serait pénible. Son beau-père n'avait jamais eu la main légère mais là, ça avait été pire que tout ce qu'il avait connu. Il entra dans sa chambre puis lava son visage ensanglanté, laissant couler enfin ses larmes qu'il avait retenues jusqu'à présent. Il alla jusqu'à sa fenêtre et ouvrit le volet pour regarder les étoiles, il n'avait jamais remarqué à quel point elles pouvaient être apaisantes. Il resta longtemps à les contempler, s'arrêtant souvent sur un groupe d'étoiles qui formait un losange.
Son esprit fut tiré de sa rêverie par le bruit sourd de voix. Il était sûr que son beau-père parlait de lui avec sa nouvelle épouse qui avait remplacé sa mère trois mois après la mort de celle-ci. Poussé par une intuition, Nghaï sortit de sa chambre et descendit lentement les marches. Il s'arrêta juste derrière la cloison menant à la pièce commune et tendit l'oreille : comme il le pensait, son beau-père était en pleine conversation avec son épouse, et ils parlaient de lui.

- … une pension, disait la jeune femme.
- Je ne veux pas payer pour cet ingrat, répliqua l'homme avec colère.
- Alors… envois-le à l'école de l'armée, reprit la femme d'un ton satisfait.

L'homme se mit à rire. Nghaï entendit quelques murmures et gloussements. Il leva les yeux au ciel.

- C'est une excellente idée…

Nghaï n'était pas d'accord, lui. Mais on ne lui demanderait pas son avis. Il remonta jusqu'à sa chambre et ferma sa porte sur laquelle il s'adossa un moment. Il s'approcha ensuite vers la fenêtre restée ouverte, puis regarda le ciel en train de se couvrir. Enfin, lentement, il la referma, sa décision prise.
Il enleva son maillot, puis, à l'aide d'une éponge, lava son dos meurtri. Il fouilla dans ses affaires et trouva un petit pot de crème qu'il appliqua du mieux qu'il pouvait sur ses plaies. Il mit ensuite la main sur un ballot qu'il remplit d'affaire et d'ustensile qui lui serait utile. Il enfila des vêtements confortables et résistants puis regarda sur ses étagères ses livres de poésie. Avec un pincement de regret, il se décida à n'en prendre qu'un. Il prit finalement son livre de géographie puis, après un moment d'hésitation, arracha les quelques pages qui contenaient des cartes détaillées.
Il étudia la carte de Chine un moment. Partir était une chose mais partir où ? Jusqu'à présent, son instinct ne l'avait jamais trahi, il devait une fois de plus lui faire confiance. Il regarda longuement sa carte avant de remarquer que ses yeux s'arrêtaient souvent sur la Grande Muraille. Avec un sourire satisfait, il rangea la carte dans son ballot puis mit ce dernier sur son dos, en faisant attention de ne pas trop appuyer sur ses plaies.
Il était prêt. Il ne lui restait plus qu'à quitter cette maison sans se faire voir, bien que personne ne le regretterait réellement ici.
La nuit était bien avancée lorsqu'il se glissa dehors. Il sentit des gouttes de pluie lui tomber sur la tête. Il laça ses chaussures avec application puis mit sa casquette qu'il avait gardée entre les dents. Il regarda le ciel : la pluie était passée et la voûte céleste se dégageait. Il se souvenait que le soleil entrait dans sa chambre quand il se levait ce qui lui permis de repérer le nord. Puis il marcha, d'un pas calme, dans cette direction, vers la Grande Muraille, vers son avenir…


***


Nghaï regarda le lapin qu'il tenait par les oreilles et qui se débattait. L'avoir attrapé lui avait pris du temps et maintenant qu'il l'avait, il n'était pas sûr d'y tenir particulièrement. Son estomac protesta fortement et il dut se décider entre manger cet animal ou faire la diète. Il se résout alors à tuer le rongeur mais il ne savait pas comment faire. Rassemblant son courage, il brisa la nuque du lapin puis, à l'aide de son couteau, le dépeça, les larmes aux yeux. Lorsqu'il le mangea, son appétit n'était pas très grand mais son estomac arrêta de grogner. L'idée avait paru si facile au début… mais il ne savait pas s'il réussirait à le faire une seconde fois.
Il empaqueta le reste de son lapin et enterra les os, puis il inspira profondément pour retrouver son calme : il fallait qu'il se fixe sur son objectif qu'il était loin d'avoir atteint. Il sortit sa carte de Chine et l'examina. Après être parti de chez lui, l'ironie avait voulu qu'il passe devant l'école Yuelu pour sortir de Changsha puis il avait marché vers le nord aussi longtemps que son estomac le lui avait permis. Il avait mangé les quelques provisions qu'il avait emmenées et des baies qu'il avait trouvées sur sa route, mais il savait qu'il lui fallait de la viande malgré que sa première expérience n'avait pas été des plus faciles. S'il avait bien calculé son avancée, il serait au lac Dongting le lendemain et il pourrait peut être manger du poisson. Il n'avançait vraiment pas vite : à ce rythme, il lui faudrait des mois pour atteindre la Grande Muraille. Avec un soupir de résignation, Nghaï rangea sa carte. Puis se pelotonna en boule pour dormir.


***


Nghaï regarda sa carte pour la septième fois en cinq minutes. Soit il y avait quelque chose qu'il ne comprenait pas, soit il avait marché drôlement vite ! Il n'était qu'à une centaine de kilomètres de Xi'an. Il regarda l'horizon et son regard se posa à l'Est. Il ressentit alors une étrange impression… comme un appel réconfortant. Il resta un moment, le visage fixé dans cette direction. Il aurait bien voulu allé voir la cascade… Nghaï s'étonna un moment de savoir qu'il y avait une cascade dans cette direction puis il eut un sourire mélancolique et fixa de nouveau son attention sur le Nord. Lui, c'est par-là qu'il devait aller, chacun devait suivre son chemin, le sien était d'aller à la Grande Muraille.
Avant de reprendre son chemin, il se tourna une dernière fois vers l'Est et salua l'horizon. Puis il repartit d'un bon pas, le cœur léger.


***


Nghaï regardait la Grande Muraille avec fascination, elle était vraiment très grande ! Il ne voyait pas le bout ni d'un côté ni de l'autre. Il posa la main sur la pierre chaude, essayant d'imaginer tout ce qu'elle avait pu voir. Il recula d'un pas et leva la tête vers le haut de la Muraille. Il avait fallut des années pour la construire…

- Eh ! Toi ! cria une voix derrière lui.

Nghaï se retourna, le visage calme. L'homme resta un moment surprit par la sérénité du garçon mais il se reprit bien vite.

- Qu'est ce que tu fais là ?
- Je regarde la Muraille, répondit Nghaï d'une voix calme.
- Où sont tes parents ?
- Ils sont morts.

L'homme fut si surprit par cette réponse dite sur un ton parfaitement neutre qu'il en oublia un moment que ce garçon d'à peine 10 ans se promenait seul près de la Grande Muraille. Réussissant à fermer la bouche et à reprendre un air sérieux, l'homme s'approcha de Nghaï.

- Tu ne peux pas rester ici ! Où sont ceux qui s'occupent de toi ?
- A Changsha.

Il s'apprêtait à attraper Nghaï par le bras quand cette réponse lui fit suspendre son geste. Il fronça les sourcils et posa les yeux sur ce visage calme si peu commun aux enfants de son âge.

- Tu es arrivé ici comment ?
- A pieds.
- Tout seul ?
- Oui.

L'homme resta un moment sans rien dire. C'était bien sa veine… Le voilà avec un fugueur sur les bras.

- Je vais t'emmener à des policiers, dit-il alors.
- Non.

Il leva les yeux au ciel. Et en plus, il était têtu.

- Ecoute, un enfant ne peut pas rester tout seul comme ça ! Les policiers te ramèneront chez toi.
- Non. Quelqu'un va venir me chercher.
- Qui?
- Je ne sais pas.

Croyant qu'il se moquait de lui, l'homme regarda Nghaï dans les yeux, mais ce dernier semblait parfaitement calme et très sûr de lui. Il s'apprêta à l'emmener de force quand il vit un homme arriver vers eux en courant.

- Excuse-moi d'être en retard, dit-il à Nghaï, à bout de souffle.
- Tu le connais, Litho ?
- Bien sûr ! C'est mon apprenti, répondit Litho en souriant à Nghaï.
- Mais il a dit qu'il était venu tout seul ici, de Changsha !

Litho éclata de rire et tapa l'homme sur l'épaule.

- Et tu l'as cru ?! C'est un petit menteur, il ne faut pas faire attention.
- Je ne suis pas… commença Nghaï avant que Litho le bâillonne de sa main.
- Bon ! La récréation est finie mon garçon. Allons-y ! dit Litho en entraînant Nghaï avec lui.

Litho, qui avait affiché un sourire jusque là, le perdit aussitôt qu'ils furent hors de vu puis il soupira. Il se tourna vers Nghaï et le regarda longuement.

- Quel est ton nom ? demanda-t-il enfin.
- Je me nomme Nghaï… et je ne suis pas un menteur !
- Il est parfois bon de ne pas dire toute la vérité.
- Seul celui qui a peur de la vérité la dissimule.
- La vérité ne me fait pas peur… mais crois-tu que cet homme aurait pu la comprendre ?

Nghaï regarda Litho en fronçant les sourcils.

- Tu es bien jeune pour comprendre certaine chose. Bon, allons chez moi. Nous avons beaucoup de chose à nous dire.
- Vous n'êtes pas chinois…

Litho se mit à rire. Ses yeux bleus se posèrent ensuite sur Nghaï et il passa la main dans ses cheveux blonds.

- Je me demande ce qui t'a fait deviner ça, reprit-il, le regard espiègle.
- Votre accent sûrement, répliqua Nghaï avec calme.
- Je sens qu'on va bien s'entendre… dit alors Litho en souriant.


***


- Très bien, Nghaï, dit Litho sans lever la tête de la statuette qu'il peignait. Recommence encore une fois.

Nghaï émit un soupir silencieux puis recommença les mouvements qu'il venait de faire pour la sixième fois. Quand il eut fini, il regarda son maître. Celui-ci le regardait fixement, l'air contrarié.

- Tu aurais fait un bon chevalier d'or… C'est vraiment gâcher du talent…

Nghaï se contenta de sourire au compliment qu'il venait de recevoir. Il s'assit sur une chaise près de son maître. Celui-ci venait de finir les yeux de sa statuette et la montra à Nghaï.
- On dirait qu'il louche, fit remarquer Nghaï.
- Je t'ai déjà dit de faire preuve de plus de diplomatie, répliqua Litho en agitant son pinceau sous le nez de Nghaï.
- Cette statuette est superbe, ô mon maître. Mais elle semble avoir un léger strabisme.
- C'est bien mieux ! dit alors Litho en souriant. Il regarda sa statuette, mais c'est vrai qu'elle louche…
- Qui t'a apprit à créer ces statuettes? Ton maître?
- Non, il ne m'a apprit qu'à devenir un bon chevalier…
- C'est ici que tu t'es entraîné ?
- Tu es bien curieux aujourd'hui ! s'esclaffa Litho en enlevant la peinture des yeux de sa statuette. Il se redressa, le visage lointain. Pour tout te dire, je suis né en Europe mais j'ai été entraîné aux Cinq Pics de Rozan… et il y a un peu plus de trente ans que j'y ai pas remis les pieds ! Je crois que Dohko a un nouveau disciple depuis peu… très prometteur, d'ailleurs…

Litho soupira puis trempa son pinceau dans la peinture. Nghaï prit une statuette qu'il entreprit de peindre.

- Dis-moi, Litho…
- Quoi ? demanda-t-il en peignant les yeux de la statuette en tirant la langue.
- Pourquoi tu n'es pas chevalier ?
- Ce n'était pas ma destiné, répondit Litho toujours penché sur son ouvrage.
- Est-ce que ça sera la mienne ?

Litho releva la tête et regarda son disciple.

- J'en suis persuadé. Et l'un des plus puissants ! Tu es presque aussi fort que moi au bout de 4 ans seulement ! Et j'ai un niveau supérieur à celui d'un chevalier d'argent… quoique inférieur à celui d'un chevalier d'or…
- Ils ne sont pas si fort que ça alors, répliqua Nghaï les yeux penchés sur sa statuette.
- Et oui… répondit Litho d'une voix distraite puis il arrêta de peindre et fronça les sourcils. Est-ce que ça veut dire que je ne suis pas si fort que ça ?
- C'était sous entendu.
- Ah bon.

Litho mit la touche final à sa statuette puis attendit que Nghaï eut fini la sienne. Enfin il le tira vers un terrain dégagé près de la maisonnette où ils habitaient.

- On va voir si je ne suis pas si fort que ça, espèce de disciple ingrat !
- Oui Litho, voyons voir ça.

Ils affichaient tous deux un grand sourire, puis ils s'élancèrent l'un contre l'autre. Après quelques attaques au corps à corps, ils s'écartèrent. Nghaï croisa ses bras devant lui puis concentra son cosmos.

- Holly Punishment, cria-t-il en décroisant les bras.

Litho s'écarta prestement. L'attaque frappa l'arbre derrière lui. Lentement, Litho ramena ses yeux vers son disciple.

- C'était quoi ça ?
- Une nouvelle attaque que je viens d'inventer.
- Pas mal… pas mal du tout. Plus rapide, elle serait redoutable…
- Je la perfectionnerais.
- Tu as intérêt! Et ton autre attaque? " Wrath of God "?
- Il faut que j'accrois encore sa vitesse.
- Bien ! Très bien tout ça, dit alors Litho en passant un bras autour des épaules de son disciple. Allons manger…
- Tu te dégonfles Litho !
- Euh… on peut voir les choses comme ça oui…

La main de Litho se crispa sur l'épaule de son disciple.

- Nghaï… je crois que…

Nghaï rattrapa son maître alors qu'il s'écroulait à terre.

- Qu'est ce qui se passe, Litho ?
- Je crois… que j'ai une crise cardiaque…
- Ce n'est pas drôle, s'écria Nghaï, les larmes aux yeux.
- Je ne plaisante pas… Allons… Ne pleure pas, imbécile…


Nghaï était assis devant la tombe de Litho, le visage paisible, les yeux tournés vers le sud-est. Il chantait une vieille complainte européenne que son maître aimait beaucoup. Il ne faisait pas attention à ce qui se passait autour de lui, cherchant par tous les moyens à ne pas montrer sa souffrance. La chanson prit fin… mais il ne se sentait pas encore suffisamment serein. Il entama une nouvelle chanson que son maître lui avait apprit.
Quand sa peine sembla être devenue supportable ou qu'il s'y fut habitué, la nuit était tombée. Il leva la tête, voyant les étoiles scintiller. La constellation de la Balance brillait plus fort que d'habitude… comme pour honorer la mort d'un valeureux homme…
Alors, Nghaï se leva et reparti seul vers la maisonnette où il vivait avec son maître, sans un regard en arrière. Sur le seuil, il hésita un moment, sentant ses yeux se remplirent de larmes puis il secoua la tête…

"Ne pleure pas, imbécile"

Ca avait été ses dernières paroles… Il devait prendre sur lui et respecter ce souhait.


***


Nghaï regardait les deux hommes s'éloigner de sa maison : encore un conflit de réglé. Il lui faudrait troquer un peu d'alcool contre des statuettes d'ici peu. Il irait à Yinchuan le lendemain. Il rentra dans la petite pièce puis s'approcha de la table, avec application, il transvasa le contenu d'un des verres dans la bouteille. De toute façon, il n'y avait pas touché. Il ferma la bouteille puis se dirigea vers un placard. Il s'arrêta soudainement, lâchant la bouteille. Il sortit de la maison et regarda vers l'horizon… une terrible bataille venait de commencer…
Nghaï resta un moment dehors, se demandant ce qu'il devait faire. Puis, lentement, il entra avec résignation pour essuyer l'alcool sur le plancher. Il se demanda si ce que Litho disait était vrai… Est-ce qu'un jour il deviendrait chevalier ? Nghaï secoua la tête. Le doute était un poison qui rongeait le cœur, il devait faire confiance à Litho, il devait faire confiance à son instinct… Oui, il deviendrait un véritable chevalier, protecteur de la terre!


***


Les eaux du Huangue débordaient. Nghaï serrait la petite fille qu'il venait de sauver sur son cœur puis, il la tendit à une femme qui se confondit en remerciements. Il essuya l'eau qui lui tombait sur les yeux et regarda un moment le ciel. Il eut un imperceptible froncement de sourcil, puis il se tourna résolument vers le groupe d'hommes qui essayaient de fabriquer une digue…
Il était bien dur de se résigner ainsi… mais son heure n'était pas arrivé… pas encore…


***


Nghaï s'était assis devant sa maison et regardait avec inquiétude l'éclipse. Il n'avait pas bougé depuis des heures et il avait des fourmis dans les jambes. Il avait très envi d'aller au Sanctuaire pour apporter son aide mais on ne faisait pas tout ce que l'on voulait…
En cet instant précis, son esprit calme et ses pensées sereines l'exaspérèrent. Etait-ce vraiment le mieux à faire ou avait-il peur d'y aller ? Après quelques minutes d'introspection, il dut reconnaître qu'il n'avait pas peur mais cela ne le consola que très peu. Il respira profondément puis regarda le ciel un moment : l'obscurité due à l'éclipse permettait de voir les étoiles. Il repéra le losange qui formait la constellation de la Balance et pria pour la victoire des combattants d'Athéna…
Une immense tristesse envahis soudainement son cœur, cette souffrance était presque aussi douloureuse que le jour où était mort Litho. Ses larmes coulèrent toutes seules sur ses joues et Nghaï les essuya d'un geste rageur. Il ne devait pas pleurer… il l'avait promis…


***


Nghaï se réveilla en sursaut. Il avait entendu un bruit. Il se leva rapidement et sans faire de bruit, sorti de chez lui. Il regarda autour de lui mais il n'y avait rien. Il leva les yeux vers la constellation de la Balance puis s'apprêta à rentrer chez lui quand une voix s'adressa à lui :

- Nghaï… il est temps…
- Litho?!

Nghaï regarda désespérément autour de lui. Puis il secoua la tête. C'était impossible, Litho était mort. Il regarda de nouveau le ciel puis soupira. La voix de Litho lui parlait à travers son cosmos.

- Arrête de faire de la logique et bouge-toi…
- J'y vais!

Les yeux de Nghaï se remplirent de larmes et coulèrent sans qu'il s'en rende compte.

- Ne pleure pas, imbécile…
- Excuse-moi, répondit Nghaï d'une voix plus calme en essuyant ses larmes.
- C'est mieux… plus digne du chevalier d'or de la Balance…

de Elestre



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Ce chapitre est copyright Elestre.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.