Quelque part en Nouvelle Zélande, un endroit boisé, bordé d'une imposante masse rocheuse.
Le ciel au-dessus de moi était couleur de jais. Seules des striures dues aux éclairs pourfendant la voûte céleste éclairaient brièvement l'obscurité qui, doucement, venait étreindre la Terre. Il faisait jour, et pourtant le scintillement des étoiles se reflétait dans l'éclat améthyste de mes yeux emplis de tristesse…
Moi, Nunki, ne distinguais dans cet espace sombre qui peu à peu m'engloutissait, plus que l'immensité du néant, néant qui, depuis treize ans maintenant, m'emportait inlassablement vers ce sentiment cruel qu'est le doute.
Un éclair tomba à quelques mètres de moi, faisant jaillir des éclats de pierre de la roche, dont l'un furtivement vint entailler ma joue. Je passais mon index sur l'éraflure pour y essuyer ce liquide pourpre, source de vie, qui s'écoulait de moi comme toutes ces années à présent perdues s'étaient écoulées. Levant les yeux au ciel dans l'espoir de me perdre à nouveau dans l'ivresse de cette immensité chaotique, je ne pus m'empêcher de verser une larme qui, coulant sur ma légère coupure, me rappela que parfois même les plus petites blessures peuvent aller en grandissant si elles ne sont pas soignées à temps. C'est alors que je me perdis dans mes pensées, croyant voir dans l'éclat de cette étoile filante révélée par le ton crépusculaire de cette étrange éclipse, l'éclat d'une armure que je n'oublierais jamais, l'armure d'un être qui m'est cher, un homme en qui enfant, j'avais placé ma foi, un guerrier qui défendait ses idéaux, un Chevalier qui représentait mon idéal, un traître par qui j'ai été contraint à l'exil…
14 ans auparavant
- Attend moi Aiola, attend !
- Dépêche-toi Nunki ou nous allons encore une fois nous faire brimer.
Nunki et Aiola arrivèrent devant l'arène de combat et soudain s'arrêtèrent, subjugués, la bouche ouverte d'étonnement. Oh non ils n'étaient pas en retard, au contraire, ils étaient même arrivés suffisamment à l'avance pour se trouver être spectateurs d'un combat de maîtres : l'entraînement de leurs maîtres, respectivement Chiron, Chevalier d'Argent de l'Autel, percepteur de Nunki, et Aioros, fraîchement Chevalier d'Or du Sagittaire, maître, mais avant tout frère d'Aiola.
Aioros et Chiron s'aperçurent immédiatement de la présence de leurs disciples, mais en apercevant le clin d'œil que lui lança Aioros, Chiron comprit qu'il ne devait pas s'arrêter mais bel et bien poursuivre leur affrontement amical.
Après une dizaine de minutes passées à alterner offensive et défense dans un balai de coups de pieds, de poings, de feintes, de sauts, d'entremêlements parfois indistincts pour les novices qu'étaient encore Aiola et Nunki, Chiron se risqua à tenter une ultime attaque, fruit de la projection de son cosmos sur Aioros. Celui-ci reçut l'attaque de plein fouet et l'encaissa avec difficulté, essayant de repousser la masse d'énergie qui indubitablement le poussait vers l'arrière, glissant sur le sol aride de l'arène sans pouvoir pour autant ancrer ses pieds solidement à terre, afin de ne plus subir la pression allant crescendo. C'est alors qu'Aioros se vit entourer d'une aura profondément dorée, une aura douce et chaleureuse, à la fois puissante et apaisante.
Alors qu'il avait jusqu'à présent les bras croisés devant son torse, paumes vers l'extérieur pour essayer de contenir la masse énergétique de Chiron, il se mit à concentrer son cosmos dans ses mains et, d'un coup sec, il les déploya vers le ciel, annulant ainsi l'attaque qui l'avait prise pour cible et l'avait fait reculer quelques instants auparavant. Ce qui eu pour effet de le projeter de quelques mètres en direction des gradins où quelques Chevaliers de bronze et d'autres apprentis s'étaient attroupés pour assister à leur joute.
Chiron dans un geste admirable vint tendre la main à son adversaire pour l'aider à se relever et lui donna une tape dans le dos. Puis, avec un sourire moqueur, il lui dit :
- Alors comme ça un Chevalier d'Argent qui arrive à tenir tête à un Chevalier d'Or ! Tu vas être la risée de ta caste quand ils apprendront ça !
- Toi un vulgaire Chevalier d'Argent ? Tu parles oui, si le destin n'avait pas légèrement fait pencher la balance de la victoire de mon côté ce jour là, tu serais à l'heure actuelle le Chevalier d'Or du Sagittaire. Nous savons tous les deux que nos cosmos sont sensiblement de même intensité, alors après, peu importe l'armure.
Dans un vrai combat, ce n'est pas l'armure qui compte, mais la force de l'engagement envers la cause pour laquelle tu te bats, nous savons tous deux que c'est le cosmos qui différencie deux Chevaliers, et non l'armure. De plus notre cause est juste, alors dans un combat pour la justice, notre fidélité envers Athéna et notre cosmos suffisent à vaincre n'importe quel adversaire, qu'importe la protection qui nous est accordée alors. Or ou argent, l'armure n'est que bris de verre face à la force qu'engendre la foi, l'armure est faillible alors que le cosmos, lui, est éternel.
- Ahahaha ! Bien parlé Aioros ! Tu m'étonneras toujours, si jeune et pourtant déjà si sage. Vous avez bien retenus la leçon Nunki, Aiola ?
C'est alors que les deux apprentis s'approchèrent de leurs maîtres et acquiescèrent d'un hochement de tête.
Retour au présent
Pourquoi fallait-il que ces moments soient si précisément gravés en ma mémoire ?
Ces bons moments passés au Sanctuaire, il y a de cela plus de 13 ans… Ces souvenirs agréables ne font que renforcer la douleur qui m'étreint en pensant aux événements tragiques qui se sont déroulés plus tard. Oh oui j'avais commencé un entraînement éprouvant, douloureux, mais la chaleur de vos cœurs mes amis surpassait de loin le sacrifice qui m'était demandé pour devenir Chevalier d'Athéna…
Et tous ces braves Chevaliers que j'ai senti disparaître ces derniers mois, Saga, et toi Shura, vous qui ne connaissiez même pas mon nom, vous qui m'avez certainement oublié, vous qui par votre charisme demeurez pourtant en mes souvenirs de ce Sanctuaire qui, à présent, m'a renié, de par l'oubli même de mon existence et de celle de mon maître.
Un peu plus de 13 ans auparavant
Je venais d'assister à l'entraînement de Shura, promis au titre de futur Chevalier du Capricorne. Impressionnant : c'est le seul mot qui me vint à l'esprit à l'évocation de ce à quoi je venais d'assister quelques instants plus tôt.
Mon maître Chiron avait insisté pour que je vienne assister à l'entraînement de Shura. En effet, il était selon lui aussi important d'apprendre à se battre pour défendre Athéna que d'apprendre à observer d'éventuels adversaires en vue de comprendre leurs techniques. C'est un précepte qui est cher dans l'entraînement d'un apprenti, car tout Chevalier d'Athéna se doit de pouvoir comprendre une attaque pour que celle-ci ne marche pas une deuxième fois contre lui : telle était une règle fondamentale édictée par les lois de la chevalerie.
Nous avions donc coutume de venir assister à l'entraînement des plus grands Chevaliers du Sanctuaire deux après-midi dans la semaine, et c'est ainsi que j'ai pu assister à l'entraînement exceptionnel de ce Shura.
Il venait de revenir de son entraînement en Espagne et l'épreuve lui permettant de revêtir la Cloth Sacrée du Capricorne avait été décrétée par le Grand Pope comme se déroulant dans une semaine, jour pour jour. Depuis, l'arène principale ne résonnait que des cris combatifs de l'aspirant Chevalier du Capricorne qui ruisselait sang et eau afin d'être fin prêt pour l'ultime épreuve, cette épreuve qui définitivement scellerait son destin en tant que Chevalier d'Or au service d'Athéna, plus haut grade parmis les Saints.
Une semaine plus tard
Toute la chevalerie présente au Sanctuaire était réunie dans l'arène principale, le jour de l'ultime épreuve concédant à Shura son titre de Chevalier allait débuter d'ici quelques minutes.
Le Grand Pope était arrivé vêtu de ses traditionnels vêtements, casque et masque sur le visage. à sa droite se tenait humblement Aioros, tandis qu'à sa gauche siégeait Saga, le Chevalier d'Or des Gémeaux, celui dont on dit qu'il a dû traverser les dimensions elles-mêmes pour avoir le droit de revêtir l'armure du 3ème signe zodiacal. Je ne le connaissais pas vraiment, mais son allure altière et son regard perçant ne faisaient que contraster avec la noblesse de son cœur et la bonté qui émanait de chacun de ses actes. Saga en effet était un Chevalier adoré de tout le Sanctuaire, on le disait droit et juste, et, le Pope se faisant de plus en plus vieux, certaines rumeurs le voyaient même déjà futur Grand Pope. Enfin, ce n'était que de vagues rumeurs…
Aux côtés de Saga, deux Chevaliers promus récemment eux aussi Chevaliers d'Or. Apparemment le Grand Pope pour de bien mystérieuses raisons qui ne présageaient rien de bon, avait décidé d'étoffer au maximum la chevalerie depuis quelques années déjà, mettant un point d'honneur à reformer l'ordre des 12 Chevaliers d'Or. Tout en haut de l'arène, sur un promontoire surplombant le chef des 88 Chevaliers lui-même, trônait majestueusement une urne éclatante comme seules 11 autres peuvent l'être : c'était la Pandora Box de l'armure du Capricorne, urne sur laquelle Hélios reflétait sa beauté, égayant toute l'arène d'une luminosité imprégnant le lieu d'un air encore plus solennel. Tout ceci me semblait magique, presque irréel. C'est alors que le Grand Pope prit la parole en s'adressant à Shura, placé au centre de l'arène. Un grand silence se fit soudain, un silence pesant, entrecoupé seulement par les coups de coude d'Aiola me demandant ce qui allait se passer.
- Chut ! Mais laisse-moi tranquille ! Je n'en sais pas plus que toi. Regarde.
L'air contrit, il consentit à me laisser regarder ce spectacle qui s'offrait à mes yeux, se rabattant boudeusement en arrière sur la rude stèle faisait office de siège, croisant les bras en signe de résignation.
Le Grand Pope prononça alors ces sages paroles :
- Shura, nous sommes ici réunis pour valider le fruit de toutes tes années de labeur et de souffrance à t'entraîner afin de devenir le digne détenteur de l'armure du Capricorne. Par cette épreuve sacrée que tu relèveras avec brio je l'espère, tu te verras sacré comme étant l'un des 12 Chevaliers les plus puissants parmis l'ordre d'Athéna.
Le port d'une armure sacrée, qui plus est une armure d'Or, implique de grands pouvoirs mais également de grandes responsabilités, de toi dépendront bien des vies, sache-le.
Ainsi, par tes actes, tu œuvreras pour la justice et l'amour de l'Humanité qu'arbore fièrement Athéna sous sa bannière. Tu agiras avec bonté, en toute considération de l'Homme et jamais n'oublieras ce serment que tu as fait aujourd'hui
Shura, à genoux au centre de l'arène, noblement redressa la tête et, transperçant d'un regard le masque du Pope, lui répondit :
- Sur ma vie, sur mon honneur, par mon destin tracé je jure d'accomplir mon devoir et de tout faire pour prouver à Athéna que je suis digne de la servire. Je jure des demeurer son plus fidèle serviteur et toujours d'œuvrer pour la justesse de sa cause, par delà la mort même, s'il le faut, car tel est le destin que les astres m'ont assigné, car tel est le destin que j'ai choisi d'incarner : celui d'un Chevalier qui se bat pour l'Humanité, pour une Déesse de Compassion et de Justice !
Par ses mots emprunts d'une dimension sans commune autre mesure, Shura avait su montrer son engagement profond envers sa cause. Il fût acclamé par bon nombre de Chevaliers.
Mais après les paroles, vint le temps de l'action.
- Moi seul serais juge du succès ou de l'échec de cette épreuve sacrée. En cas de litige, Aioros et Saga m'épauleront dans mes choix. Je déclare le défi ouvert !
Sur ces mots du Grand Pope Shura se redressa, attendant de voir ce que le sort lui réservait. En effet, s'il est dit que chaque Chevalier d'Or doit théoriquement accomplir une épreuve pour réussir en quelque sorte à communier avec son armure, il n'est dit d'aucune façon comment cette épreuve se déroulera, car chaque armure d'Or possède son propre caractère, et les épreuves pour acquérir l'une de ces protections sont réputées comme étant des plus délicates, voir même dans certains cas impossibles… Mais ce mot n'est-il pas à bannir du vocabulaire d'un véritable Chevalier ? C'est ce que Shura dût probablement se dire à ce moment là.
Et c'est ainsi que l'aspirant Chevalier du Capricorne se mit en position de défense, prêt à parer toutes éventualités. Toutes, c'est ce qu'il pensait, mais sur le moment n'importe qui présent aurait pu voir se dessiner sur son visage la surprise…
Effectivement, Shura eut face à lui celui qui probablement avait dû être son maître, si j'en juge par l'attitude des deux protagonistes.
- Alors Shura, ne me dit pas que tu renonces à ce pour quoi tu as toujours suivi mon entraînement avec tant d'ardeur, juste parce que je suis celui que tu devras vaincre pour obtenir cette armure.
- Jamais vous entendez, jamais je ne renoncerais en ce destin qui m'est promis. En garde !
Le maître de Shura, un homme d'une trentaine d'années environ, semblait plutôt fluet. Mais malgré tout, à l'expression qu'avait son cosmos d'onduler autour de son corps, on sentait une force latente qui ne demandait qu'à exploser.
Les deux hommes se fixèrent pendant quelques secondes, secondes qui parurent une éternité, puis…
J'écarquillais les yeux, appuyé en cela par une montée de chuchotements qui se voulaient interrogateurs. Du sang perlait du bras droit de Shura, s'écoulant en flaque immonde, venant souiller la terre sacrée de cette arène dont le sol devait en être imprégné depuis des siècles déjà. Le pire est que tous les deux n'avaient même pas bougé, ils étaient encore en train de se fixer, les yeux de Shura à la fois emplis de larmes et de colère, toisant l'autre homme d'un regard respectueux.
- Ainsi tu apprendras que demeurer dans tes pensées lors d'un combat peut être mortel Shura, ne te l'ais-je point déjà répété ? à présent ton bras droit est cassé, et tu demeures rabaissé dans tes compétences.
A ces mots Shura fit exploser son cosmos et s'élança vers son adversaire quand soudain, un bruit pareil à un craquement se fit entendre, le même bruit que quelques instants auparavant.
- Quand comprendras-tu qu'il faut d'abord atteindre l'ultime cosmos pour pouvoir me battre, cet ultime cosmos auquel tu t'es éveillé récemment mais qui s'est manifesté en toi avec une ardeur inouïe ?
En effet, atteint par la douleur de ses deux bras à présent brisés, Shura était tombé à genoux et ne disait mot. Quand soudain il se releva, son aura avait brusquement changé de proportion : elle était littéralement devenue oppressante et pesait à présent sur toute l'arène.
D'un coup, il leva le bras droit à une vitesse telle que je n'ai pu que deviner son geste, car déjà un rayon lumineux fendait l'air en direction de Rael, cet homme qui était son maître. Celui-ci malgré tout contra l'attaque d'un revers de la main, comme s'il ne s'eut agit que d'une simple brise d'air venant caresser la paume de sa main.
- Réfléchis, même si tu comptes utiliser Excalibur contre moi, avec ton bras brisé, cette fabuleuse arme que tu maîtrises à peine ne t'est d'aucune utilité : elle n'est guère plus qu'une arme encombrante tenue par l'unique bras d'un manchot !
- Taisez-vous ! Je ne me suis pas entraîné depuis plus de 5 ans maintenant pour échoir à ce stade là de mon existence.
Shura se tenait là, bras balans, son maître le regardant à la fois fièrement, mais aussi résigné que s'il s'eut agit d'un véritable combat opposant un défenseur d'Athéna, en revanche Rael, à un Chevalier renégat.
C'est là que je vis pour la dernière fois cet homme si charismatique qu'était Rael. En effet, en quelques secondes, deux étoiles filantes s'éloignèrent vers l'ouest à une vitesse que mes yeux ne purent qu'à peine percevoir : l'arène était vide…
Pour la deuxième fois depuis le début de ce curieux affrontement, des cris de stupéfaction se firent entendrent de tous côtés de l'arène.
Le Grand Pope jeta alors un regard à Saga et Aioros qui eux aussi, tels deux étoiles s'élevant vers l'infini, disparurent à l'horizon, enjoignant la même direction que les deux précédents filets de lumière, l'ouest…
Ce n'est qu'environ une heure plus tard que Saga et Aioros réapparurent, l'arène s'était déjà vidée considérablement depuis un bon moment, mais les plus patients ne désespéraient pas d'avoir des nouvelles de Shura. Le Grand Pope patientait en discutant avec les deux autres Chevaliers d'Or, l'un avec un casque emprunt de pattes étranges s'étirant de chaque côté, l'autre d'une beauté insolente, une rose blanche posée sur l'oreille…
Saga et Aioros arrivèrent comme ils étaient repartis, et s'entretinrent avec le Pope pendant les quelques cinq minutes qui suivirent. Quand soudain, ils furent tirés de leur conversation par un étrange scintillement illuminant la globalité de cette arène où, depuis bientôt presque deux heures, Aiola et moi étions présents.
Incroyable ! Nous poussâmes un cri d'émerveillement quand l'urne s'ouvrit et laissa apparaître au monde la splendeur de ce qu'elle contenait : l'auguste Capricorn Cloth !
Elle s'éleva dans les airs, de sa forme emprunte de noblesse, le torse bombé, les cornes hautement dressées, puis noblement, elle disparut, nous aveuglant de son éblouissante lumière ; quelques instant plus tard ce fût au tour de la Pandora Box de s'évaporer.
C'est cet instant que choisit le Pope pour se lever et proclamer bien haut :
- A présent Shura est devenu l'un des 12 plus puissants êtres de cette planète, il est devenu Chevalier d'Or du Capricorne, au service d'Athéna, Déesse de la Sagesse et protectrice des Hommes. Il mérite à présent notre respect à tous, ayant bravé avec succès cette épreuve que l'armure, pour le forcer à prouver sa légitimité, lui a imposé. Malgré son absence, je vous demanderais d'applaudir Shura, choisi par l'armure d'Or du Capricorne comme étant son nouveau propriétaire. Veuillez avoir à son égard la déférence que son statut lui accorde, et que son courage et sa victoire en cette épreuve demeurent exemple pour tout Chevalier, soldat ou apprenti, quel qu'il soit.
Je n'ai compris à cet instant la véritable valeur de la larme qui perlait sur la joue d'Aioros, je crois qu'Aiola lui-même ne l'a jamais su… Mais dès ce jour, plus jamais personne ne revit Rael.
Quelque part dans les Pyrénées hispaniques un être pleurait la mort de celui qu'il considérait comme son père. Les bras brisés par la douleur, les jambes souillées d'un sang qui n'était pas le sien, un jeune garçon d'à peine 10 ans venait de tuer, pour la première fois… Dès ce jour il se jura de ne plus jamais prendre de décisions de son propre chef mais de n'obéir qu'aux ordres d'Athéna et du Pope, sans considération aucune pour son adversaire, quel qu'il soit.
Ainsi, pour la première et dernière fois de sa vie, il se laissa aller à ses propres sentiments, pleurant de tout son saoûl, étreignant contre sa nouvelle armure le corps inerte de l'homme qui lui avait tout appris, le corps de Rael, celui qui avait décidé de se sacrifier pour l'accomplissement du destin de son disciple : Shura, Chevalier d'Or du Capricorne.
Quelques temps plus tard
Shura était rentré depuis peu, l'urne sacrée sur le dos. J'ai une fois surpris mon maître discutant avec Aioros, ce dernier lui contant à quel point son meilleur ami avait changé depuis la fameuse épreuve. Il est vrai qu'après ce jour je n'ai pratiquement plus aperçu Shura, qui apparemment restait cloîtré dans son 10ème Temple, visité occasionnellement par Aioros. Mais même si je ne l'ai plus jamais revu, jamais je n'ai oublié l'empreinte de sa cosmoénergie, une cosmoénergie marquée de fierté, de majesté, mais aussi suintant la mélancolie, cette même mélancolie qui à présent m'animait.
Les jours passèrent bien vite, toujours ponctués par nos nombreux entraînements, et les habituelles brimades découlant des bêtises qu'Aiola et moi faisions parfois. Quant un jour mon maître vint me voir en me disant que nous allions partir du Sanctuaire, partir loin, s'entraîner sur des terres sauvages…
Je n'eus même pas le temps de dire au revoir à mon ami de toujours, à cet ami qui avait disparu maintenant, je le sentais, tout comme son frère disparu il y a de cela si longtemps déjà…
Aioros, Aiola…
Temps présents
Et me voilà là, en ces lieux de tourments, en cette ère de destruction qui se profilait à même les cieux obscurcis, attendant simplement que l'Humanité meurt, que je meurs, pour que la douleur s'achève enfin…
Un bruit se fit entendre dans les fourrés près de moi. Je n'eus pas besoin de me retourner pour savoir qui, lentement, s'approchait de moi. Malgré ces 13 années écoulées, mon maître Chiron possédait toujours ce même cosmos apaisant que je reconnaîtrais entre milles.
- Mon enfant, en cette triste journée je m'inquiète autant pour toi que pour l'Humanité… Il n'est aucun doute à avoir que les Chevaliers d'Athéna sont déjà en route pour mettre fin au chaos qui se profile à même notre vue. Mais toi, quand mettras-tu fin au chaos qui sème douleur et peine en ton cœur ?
- Vous savez bien maître que depuis notre départ du Sanctuaire il y a de ça 13 ans maintenant, tout a bien changé. Alors que j'étais destiné à un bel avenir de Chevalier, prêt à tout pour servir Athéna et devenir votre égal, l'égal d'Aioros - à ce nom ses yeux s'obscurcirent encore d‘avantage -, je n'ai même pas pu requérir une quelconque armure de Bronze. Vous, Chevalier d'Argent de l'Autel, nous avez exilés du Sanctuaire Sacré sous les ordres d'Aioros. La nuit de notre départ a été celle de sa mort, rappelez-vous ! En quittant ces lieux que je ne pourrais oublier, j'ai ouï dire par des gardes qu'Aioros, ce modèle qui animait mes rêves de futur Chevalier, avait tenté de tuer la réincarnation d'Athéna fraîchement réapparue. Jamais vous ne m'avez expliqué ce qui s'est réellement passé. J'ai toujours eu beaucoup d'admiration et d'estime pour vous, mais maintenant je n'éprouve plus que de la pitié pour cet être que vous êtes devenu !
A cet instant Nunki reçut un violent coup de poing dans le ventre qui le fit se plier en deux, mais pas baisser le regard pour autant.
- Voyez ce que vous êtes devenu : un lâche ! Par votre faute nous sommes tombés dans l'oubli, et de Chevaliers nous n'avons plus que le titre, enfin vous n'avez plus que le titre. Après plus de 13 longues années à regretter tous ces êtres, à demeurer un apprenti aux pouvoirs grandissant, je suis toujours aussi inutile. De plus pourquoi n'avoir jamais regagné le Sanctuaire ? Répondez pour une fois bon sang !
- Sache que les paroles que tu as proférées à mon égard étaient bien plus blessantes que tous les coups que j'aurais pu t'infliger… Oh oui toi le fils que je n'ai jamais eu, si te révéler ce que mon plus vieil ami Aioros m'avait confié en secret est nécessaire à ce que ton cœur retrouve la passion qui l'habitait auparavant, alors je veux bien briser cette promesse que je lui ai faite il y a si longtemps déjà. Pardonne-moi Aioros, pardonne-moi…
Plus de 13 ans auparavant, un soir d'automne
Aioros m'avait donné rendez-vous ce soir en ce lieu secret du Sanctuaire que bien peu de personnes peuvent se targuer de connaître. Toujours est-il que cela faisait déjà plusieurs jours que le Grand Pope nous avait fait annonce de l'arrivée d'Athéna parmis nous, brandissant fièrement ce petit être divin devant la chevalerie réunie pour l'occasion. Ce qui semait le trouble dans mon esprit était que, justement, Aioros loin de partager le bonheur collectif de tous les habitants du Sanctuaire, semblait particulièrement soucieux. Peut-être s'en faisait-il trop pour Shura, cet ami qui ne quittait plus son temple ? Enfin, quoi qu'il en soit, je comptais bien profiter de cette entrevue privée pour le lui demander.
Il arriva assez rapidement, étonné de voir que j'étais là avant lui. Je voulus lui faire part de mes inquiétudes à son sujet, mais avant même d'avoir pu prononcer ne serait-ce qu'un mot, il me dit en me regardant gravement :
- Chiron mon ami, je t'ai donné rendez-vous ce soir pour te faire part d'un fait d'une importance capitale, un fait qui, à jamais, pourrait changer ta vie et la mienne. Es-tu prêt à mettre ta vie en péril pour connaître une vérité qui va te sembler bien peu probable ? ô toi mon ami, toi qui sais lire en mon cœur, je te prie de m'écouter et de croire en mes paroles. Ais confiance en moi, je t'en supplie.
- Quelle est donc cette chose si affreuse qui a bien pu arriver pour que tu sois dans un tel état ?
- Justement, rien encore n'est arrivé… Et c'est pour cela que je me dépêche de venir t'en informer : le Grand Pope n'est plus, à sa place un imposteur. Hier j'ai senti un cosmos puissant et agressif venant du Temple d'Athéna, de plus Saga a disparu, et je m'en inquiète beaucoup. Je vois à ton visage que tu ne peux y croire, ô combien j'aimerais me tromper, mais mon 6ème sens jamais n'a failli, et il me souffle que le Pope est très mystérieux… Je crains pour la sécurité d'Athéna, je crains pour l'intégrité du Sanctuaire lui-même.
- Comment oses-tu proférer de tels propos injurieux envers notre Pope, représentant terrestre d'Athéna, brave d'entre les braves ! Tu mériterais que je te tue sur le champs pour avoir émis le moindre doute à l'encontre de notre Pope ! Vas-t-en avant que je ne m'énerve !
- Chiron ! Attends…
Quand je me retournais je vis que ses yeux étaient humides. Ne dit-on pas que les yeux sont le miroir de l'âme ? J'ai vu en ses yeux ce soir là qu'Aioros ne pouvait être animé par de sombres desseins, j'ai vu que ce qu'il m'avait raconté, il en était certain. C'est alors que je décidais de le croire.
- Aioros, te rends-tu compte de la gravité de ce que tu viens de me narrer ? Si telle était la vérité alors Athéna serait véritablement en danger, et le Sanctuaire lui-même serait en proie au démon, comme tu l'as si bien dit. Mais dis-moi mon ami, mon frère, pourquoi m'avoir dit cela ? Que veux-tu que nous fassions ?
- Nous ? Tu ne feras rien, j'agirais seul, je ne veux ta mort.
- Comment peux-tu déjà parler de mourir alors que tu n'as même pas preuve de ce que tu avances !
- N'ais crainte, mourir n'est pas mon intention. Mais si je t'ai fait part de mes doutes c'est pour une simple et bonne raison : je veux que tu emmènes Aiola et Nunki avec toi loin d'ici pour quelques temps, le temps de clarifier la situation. Va en Nouvelle- Zélande, là où nous étions en mission sous les ordres du Pope il y a deux ans de cela. Là-bas je vous retrouverais quand tout ira mieux. Mais fais-moi la promesse que si cela se passe mal, tu entraîneras mon frère et Nunki afin d'en faire de véritables Chevaliers d'Athéna, capables de la défendre au péril de leurs vies. Promet moi de ne jamais leur révéler ce que je t'ai dis ce soir : leur vie serait d'autant plus en danger s'ils savaient exactement de quoi il en retourne. Jamais tu entends, jamais tu ne devras leur parler de tout ça, et surtout ne reviens au Sanctuaire qu'à une seule condition : que je te recherche.
- Sur mon armure je te le jure Aioros, sur mon armure…
Aioros et Chiron s'enlacèrent amicalement quand Chiron mit une tape dans le dos d'Aioros, en signe de soutien, de courage, courage qui leur serait utile à tous les deux afin d'affronter leur avenir.
Retour à l'heure actuelle
Plus tard j'ai cherché Aiola, mais jamais je ne l'ai trouvé. J'ai pourtant cherché jusqu'à l'aube, essayant de deviner son cosmos encore peu développé à cette époque, mais jamais ô grand jamais je ne l'ai retrouvé…
Et c'est cette nuit là, juste un peu avant l'aube, profitant de l'agitation générale des gardes à la recherche d'Aioros, et, résilié à partir la mort dans l'âme n'ayant pu trouver Aiola, je m'en allais avec toi en cette sauvage contrée. Rappelle-toi, toi-même tu l'as même cherché le trouver, d'où la cause de votre impossible adieu…
Maintenant que j'y pense, il devait déjà être aux mains des gardes qui le questionnaient sûrement à propos de son frère. Comme je regrette, comme je regrette moi aussi…
Encore sous le coup de ce récit poignant, Nunki n'avait prononcé le moindre mot.
- Alors tu comprends maintenant, tu comprends pourquoi nous sommes toujours là ? J'ai bien senti Aioros mourir, mais je n'ai jamais eu le courage de rompre la promesse que je lui avais faite. Malgré toutes ces années je suis resté fidèle à mon serment, mais pour toi, pour ton avenir, j'ai pris cette décision cruelle que de rompre ma parole. Je sens bien, tout comme toi tu le sens, et ce j'en suis sûr, que le monde est en passe de disparaître : ne sens-tu pas ce sombre cosmos qui s'étend de par notre galaxie ?
- Comment ne pas sentir une telle force négative… Maître, avant toute chose j'aimerais que vous me pardonniez pour les paroles blessantes que j'ai proférées à votre encontre. à présent j'ai compris que vous étiez plus qu'un maître pour moi, et que, dans mon cœur, vous valez autant qu'un Chevalier d'Or vaut à l'ordre d'Athéna. Non vous n'êtes pas un lâche, bien au contraire : qui mieux qu'un homme de valeur peut tenir un tel serment pendant près de 13 ans sans jamais faillir à sa promesse ?
- Malgré tout, pour Aiola… Je n'ai pu entièrement réaliser ce que furent les derniers vœux du Chevalier d'Or Aioros du Sagittaire.
- Non ne dites pas ça, je sais que vous avez fait tout votre possible, vous êtes un Chevalier et point un Dieu, alors ne regrettez rien. Moi-même qui connaissais toutes les cachettes d'Aiola n'ai pu le retrouver cette nuit là.
- Tes paroles me réchauffent le cœur mon enfant.
- Et vos révélations ont redonné entrain au mien : à présent mon cœur est empli de liesse, et toutes les peines et les doutes qui auparavant assaillaient mon âme sont à présent autant de forces qui se sont éveillées en moi à votre contact. Je pense qu'il serait temps à présent de faire notre réapparition au Sanctuaire, ne croyez-vous pas ?
- Oui, seulement attendons, je sens que bien des cosmos mènent la bataille en ces jours. Le Sanctuaire doit être en guerre, et même si nous sommes Chevaliers, nous ne pouvons nous permettre d'entrer dans une Guerre sainte sans y avoir été invités. L'issue de ce combat scellera notre destin, scellera ton destin Nunki…
- Oui, mon destin…
Et c'est ainsi que Nunki, accompagné de son maître Chiron, Chevalier d'Argent de l'Autel, attendit la fin de l'éclipse et le retour au calme, pour reprendre le chemin du Sanctuaire Sacré d'Athéna en Grèce.
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